Cour d’appel administrative de Nantes, le 14 mars 2025, n°24NT02219

La cour administrative d’appel de Nantes, dans son arrêt du 14 mars 2025, statue sur la légalité d’un retrait global d’armes et de munitions. Un particulier contestait le dessaisissement de son arsenal ainsi que son inscription au fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes à feu. Le tribunal administratif de Caen avait rejeté le recours contre l’arrêté préfectoral par un jugement rendu en date du 22 mars 2024. Le requérant arguait que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire en substituant d’office un nouveau motif de fait à la décision. Il appartient à la juridiction d’appel de déterminer si l’analyse exhaustive d’un rapport de gendarmerie mentionné par l’acte administratif constitue une telle substitution. Les juges nantais considèrent que l’autorité préfectorale s’était initialement fondée sur l’ensemble des faits relatés dans le procès-verbal cité au sein de son arrêté. Ce raisonnement conduit à écarter l’irrégularité procédurale invoquée (I) et à valider le bien-fondé de la mesure de police administrative restreignant la liberté individuelle (II).

I. L’absence de substitution de motifs de fait irrégulière

A. La portée globale de la motivation administrative initiale

L’administration peut justifier une décision par un motif de fait différent de celui initialement indiqué sous réserve de respecter une procédure d’information préalable. Le requérant soutenait que le tribunal avait pris en compte des antécédents judiciaires anciens non explicitement détaillés dans le corps de l’arrêté préfectoral contesté. La cour précise que le représentant de l’État s’est référé « de manière générale au procès-verbal du 3 mars 2021 » pour justifier le comportement dangereux. Cette référence globale implique nécessairement que l’autorité administrative entendait se fonder sur l’intégralité des informations contenues dans ce document de police judiciaire précis. Dès lors, l’examen par les premiers juges des faits de menaces de mort et de violences habituelles ne constitue pas une modification des motifs initiaux. Le juge de l’excès de pouvoir se borne à vérifier la réalité et la qualification des faits que l’administration a entendu sanctionner dès l’origine.

B. Le respect du principe fondamental du caractère contradictoire

L’article L. 5 du code de justice administrative dispose que « l’instruction des affaires est contradictoire » afin de garantir les droits de la défense. Une substitution de motifs oblige le magistrat à mettre les parties en mesure de présenter leurs observations avant de rendre sa décision juridictionnelle définitive. La juridiction d’appel écarte ce grief en constatant que les faits litigieux étaient déjà compris dans le champ de la décision administrative initiale attaquée. Aucune formalité supplémentaire n’était donc requise puisque le litige n’a pas changé de fondement juridique ou matériel durant le cours de l’instance. La régularité externe du jugement de première instance étant ainsi établie, il convient désormais d’apprécier la pertinence du fond de la mesure de police.

II. La légalité confirmée de la mesure de police administrative

A. L’appréciation souveraine du comportement incompatible du détenteur

L’autorité préfectorale doit s’assurer que le comportement d’un détenteur d’armes ne présente pas un « danger grave pour lui-même ou pour autrui » lors du contrôle. Le rapport mentionnait des faits de menace de mort sur conjoint, de provocation à la rébellion ainsi que des violences commises sur un mineur. Ces antécédents judiciaires, bien qu’anciens pour certains, dessinent un profil comportemental dont la dangerosité est incompatible avec la possession d’engins de mort par nature. L’incident récent consistant à tirer sur des oiseaux depuis une fenêtre d’appartement confirme le mépris des règles élémentaires de sécurité par le requérant. Cette constatation de la dangerosité individuelle fonde la nécessité d’une protection accrue de la collectivité par des mesures de police préventives adaptées aux circonstances.

B. La protection impérative de l’ordre et de la sécurité publics

Le dessaisissement immédiat des armes constitue une mesure de police administrative visant à prévenir la commission de nouvelles infractions ou de tragédies humaines évitables. L’inscription au fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes assure une traçabilité efficace des personnes présentant un risque majeur pour la société. La cour rejette les conclusions à fin d’injonction visant la restitution du matériel de chasse car la décision de retrait est légalement justifiée en l’espèce. Le refus de mettre à la charge de l’État les frais de justice découle logiquement du rejet de l’ensemble des prétentions formulées par le requérant. La décision de la cour administrative d’appel de Nantes confirme ainsi la rigueur nécessaire encadrant le droit de détenir des armes sur le territoire national.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture