Cour d’appel administrative de Nantes, le 16 mai 2025, n°24NT00670

La cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt du 16 mai 2025, se prononce sur la responsabilité d’un concessionnaire de réseau électrique suite à un accident mortel. Lors de travaux de dépose de lignes électriques, les victimes ont subi une électrocution sur un poteau demeuré sous tension malgré les opérations en cours.

Les ayants-droits ont sollicité la réparation de leur préjudice d’affection devant le tribunal administratif de Nantes qui a rejeté leur demande le 9 janvier 2024. Les premiers juges estimaient que les décisions de la Cour d’appel d’Angers du 27 septembre 2018 et du tribunal correctionnel de Laval du 16 mars 2017 faisaient obstacle à toute action.

La juridiction d’appel doit déterminer si l’autorité de la chose jugée s’applique et si des fautes de sécurité engagent la responsabilité du maître d’ouvrage. L’arrêt consacre d’abord l’autonomie de l’action administrative avant de caractériser une responsabilité partagée entre les différents intervenants à l’opération de travaux publics.

I. L’affirmation de l’autonomie de l’action en responsabilité administrative

A. Le rejet de l’exception d’autorité de la chose jugée

La cour écarte l’autorité de la chose jugée car les décisions de la Cour d’appel d’Angers du 27 septembre 2018 ne se sont pas prononcées sur la responsabilité du gestionnaire. Elle rappelle que « l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’impose au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait ». Les motifs d’une relaxe tirés d’un doute sur la réalité des faits ne sauraient lier l’administration dans l’appréciation d’une éventuelle faute civile. L’arrêt souligne également que les procédures devant le tribunal judiciaire de Laval du 21 octobre 2022 ne présentaient pas un caractère définitif suffisant. Le juge administratif peut dès lors examiner les prétentions des requérants selon les règles propres au contentieux de la responsabilité des travaux publics.

B. L’application du régime de responsabilité pour faute prouvée

La juridiction précise que le salarié chargé de la dépose des lignes « n’est pas un tiers par rapport à cet ouvrage public » mais un participant à l’exécution. Cette qualité impose aux requérants de démontrer l’existence d’une faute du maître de l’ouvrage pour obtenir la réparation des dommages subis lors de l’opération. La cour refuse d’appliquer le régime de responsabilité sans faute réservé aux tiers, exigeant ainsi la preuve d’un manquement caractérisé aux règles de l’art. Cette exigence probatoire conditionne l’examen des griefs relatifs à la sécurité du chantier et à la coordination des mesures de prévention entre les entreprises. La détermination du régime de responsabilité permet d’apprécier la matérialité des manquements invoqués et d’évaluer la part de responsabilité incombant réellement au maître d’ouvrage.

II. La reconnaissance d’une responsabilité limitée par les fautes concurrentes

A. La caractérisation de manquements graves aux obligations de sécurité

Le juge relève que le chantier n’était « ni physiquement délimité, ni balisé » malgré la présence de lignes électriques maintenues partiellement sous tension au moment des faits. La société concessionnaire a méconnu les dispositions du code du travail exigeant une signalisation visible et une inspection commune des lieux avant toute intervention technique. L’absence de plan de prévention écrit et spécifique pour les travaux aériens constitue également une faute de nature à engager la responsabilité du maître d’ouvrage. Ces négligences ont directement contribué à la survenue de l’accident mortel en ne permettant pas une identification claire et immédiate des dangers par les travailleurs. Toutefois, la caractérisation de fautes à la charge du maître d’ouvrage n’exclut pas l’examen du comportement des autres acteurs impliqués dans l’accident.

B. L’atténuation de la responsabilité par les fautes de l’employeur et des victimes

La cour administrative d’appel de Nantes limite la responsabilité de la société concessionnaire à hauteur de vingt-cinq pour cent des préjudices d’affection subis par les familles. Elle retient que la société employeur a commis une « faute inexcusable » en omettant de réaliser une analyse spécifique des risques liés au maintien sous tension. L’imprudence des victimes est également soulignée car elles n’ont pas vérifié la mise hors tension du poteau avant d’entamer les travaux de dépose prévus. Ce partage de responsabilité tient compte de la gravité respective des manquements tout en assurant une réparation partielle des préjudices par le maître de l’ouvrage. L’arrêt confirme enfin le droit pour l’organisme de sécurité sociale d’obtenir le remboursement de ses débours à hauteur de la part de responsabilité ainsi fixée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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