Cour d’appel administrative de Nantes, le 16 mai 2025, n°24NT03240

La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 16 mai 2025, un arrêt précisant les conditions de retrait d’un titre de séjour. Un ressortissant étranger contestait l’annulation de sa carte de séjour pluriannuelle décidée par l’administration en raison d’une menace pesant sur l’ordre public. Le requérant avait diffusé sur un réseau social des messages valorisant le terrorisme ainsi qu’une illustration glorifiant les attentats commis à New York. Le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande le 4 octobre 2024, confirmant la légalité de la mesure de retrait et de l’éloignement. L’appelant soutient que les publications ne lui sont pas imputables et invoque une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée. Le litige porte sur la caractérisation d’une menace pour la sécurité publique résultant de la diffusion de propos apologétiques sur les réseaux sociaux numériques. La juridiction d’appel rejette la requête en estimant que la gravité des faits justifie la fin du droit au séjour sur le territoire français. L’analyse portera sur la caractérisation de la menace à l’ordre public avant d’envisager la proportionnalité de la mesure au regard des libertés fondamentales.

I. La caractérisation d’une menace réelle et actuelle à l’ordre public

A. L’imputabilité et la matérialité des actes d’apologie du terrorisme

La cour administrative d’appel confirme d’abord l’existence matérielle des faits reprochés au requérant en se fondant sur les éléments versés au dossier. Elle relève que l’intéressé a publié un message affirmant que « ces martyrs sont les artisans de l’histoire, les bâtisseurs de nations et les créateurs de gloire ». La juridiction souligne également la présence d’une bannière montrant l’effondrement des tours du World Trade Center sur le compte personnel de l’intéressé. Bien que l’appelant prétende avoir confié la gestion de son compte à un tiers, les juges notent qu’il « ne produit aucun élément probant en ce sens ». La cour précise que « l’intéressé n’a alors contesté ni la réalité du message en cause, ni le fait qu’il ait été posté sur son compte ».

B. La légalité du retrait de séjour face à l’exigence de sécurité publique

L’autorité préfectorale dispose du pouvoir de retirer un titre de séjour lorsque la présence d’un étranger constitue une menace pour l’ordre public national. La cour estime que « ces faits, eu égard à leur caractère récent et à leur particulière gravité, établissent que la présence en France de l’intéressé représente une menace ». Les juges rejettent l’argument selon lequel l’absence de condamnation pénale définitive ferait obstacle à la mesure administrative de retrait du droit au séjour. L’administration peut souverainement apprécier le comportement d’un individu dès lors que les faits sont « suffisamment caractérisés par les pièces produites par le préfet ». La décision s’inscrit dans une volonté de protection de la sûreté publique face à des agissements considérés comme incompatibles avec le séjour.

II. Une conciliation proportionnée entre ordre public et libertés fondamentales

A. L’absence d’atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale

Le requérant invoquait la protection de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme pour contester son obligation de quitter le territoire. La juridiction administrative considère toutefois que l’intéressé ne justifie pas d’attaches familiales ou culturelles suffisamment fortes sur le sol français après cinq années de présence. L’arrêt indique que « la cellule familiale qu’il forme avec son épouse peut être reconstituée » dans son pays d’origine où il conserve des liens. Les juges ajoutent que l’intéressé peut bénéficier d’un suivi médical adapté pour sa pathologie psychiatrique dans son État de nationalité. La mesure d’éloignement ne présente donc pas un caractère excessif par rapport au but de défense de l’ordre et de sécurité publique.

B. La préservation des garanties procédurales et l’absence de risque en cas de retour

L’appelant soutenait que le retrait du titre de séjour portait atteinte au principe de la présomption d’innocence en raison d’une enquête judiciaire en cours. La cour écarte ce moyen en rappelant que la procédure administrative est indépendante des poursuites pénales engagées contre l’auteur des publications litigieuses. Concernant les risques en cas de retour dans le pays d’origine, le requérant « ne produit aucun élément probant de nature à établir » un danger réel. La juridiction rejette donc le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 3 de la Convention européenne relatif aux traitements inhumains ou dégradants. Le juge administratif valide ainsi l’équilibre retenu par l’administration entre la protection de la société et le respect des droits individuels fondamentaux.

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Hassan KOHEN
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