La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu le 16 septembre 2025 un arrêt relatif aux conditions de recevabilité d’une action indemnitaire engagée contre l’Etat. Un ancien militaire sollicitait la réparation de préjudices résultant de son exposition professionnelle aux poussières d’amiante durant sa carrière au sein de la marine nationale. Le tribunal administratif de Rennes avait rejeté sa demande par une ordonnance d’irrecevabilité faute de production de l’accusé de réception de la réclamation préalable. Le requérant a interjeté appel de cette décision tout en obtenant par ailleurs une indemnisation partielle devant une autre formation de jugement. La juridiction d’appel devait alors déterminer si la production tardive d’une pièce peut régulariser une demande initialement rejetée pour irrecevabilité manifeste. La Cour administrative d’appel de Nantes prononce un non-lieu partiel et confirme l’irrecevabilité de la demande pour le surplus des conclusions indemnitaires.
I. L’extinction partielle du litige par l’autorité d’une décision juridictionnelle parallèle
A. Le constat d’un non-lieu à statuer limité aux sommes déjà accordées
Le juge d’appel constate d’abord qu’un jugement définitif a déjà condamné l’Etat à verser une indemnité au titre du préjudice d’anxiété. Cette situation impose de prononcer un « non-lieu partiel à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de la somme » déjà allouée. L’objet du litige disparaît pour cette fraction de la demande puisque le requérant a obtenu une satisfaction pécuniaire irrévocable. La cour doit néanmoins examiner la recevabilité des prétentions restantes qui n’ont pas été tranchées par le tribunal administratif de Rennes.
B. La persistance de l’irrecevabilité malgré la preuve d’une réception de la réclamation
Le requérant soutient que l’ordonnance attaquée est irrégulière car il produit désormais l’accusé de réception de sa demande préalable d’indemnisation. Cette pièce atteste pourtant que l’administration a bien réceptionné la réclamation initiale dans les délais requis par les dispositions du code de justice administrative. Le document produit en appel établit la réalité de la saisine de la commission de recours des militaires avant l’introduction de l’instance. Cette circonstance ne permet cependant pas d’effacer les carences procédurales constatées lors de la phase d’instruction devant les premiers juges.
II. L’inefficacité de la régularisation tardive d’une irrecevabilité manifeste en première instance
A. La sanction du défaut de réponse à une demande de régularisation du premier juge
Le premier juge avait rejeté la demande sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative après une demande de régularisation. La cour souligne que le requérant n’a pas transmis le document requis malgré l’invitation expresse qui lui avait été adressée par le tribunal. Le magistrat peut rejeter immédiatement une requête lorsque le demandeur néglige de répondre à une demande visant à rendre sa demande recevable. Cette règle garantit la célérité de la procédure contentieuse en évitant le maintien de dossiers incomplets devant les juridictions de premier ressort.
B. L’impossible couverture en appel d’un vice de forme ayant fondé une ordonnance de rejet
La cour confirme que « cette production n’est cependant pas de nature à régulariser la demande de première instance » dès lors que l’ordonnance est intervenue. La faculté de produire des pièces en appel ne saurait permettre de contester le bien-fondé d’une ordonnance de rejet pour irrecevabilité manifeste. Le juge d’appel refuse ainsi de donner un effet rétroactif à une régularisation qui aurait dû intervenir exclusivement devant le tribunal administratif. La décision protège l’autorité des mesures d’instruction et sanctionne la passivité des parties face aux injonctions formelles délivrées par les juridictions.