La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu une décision le 16 septembre 2025 concernant l’acquisition de la nationalité française par décret. Une demande de naturalisation fut ajournée pour une durée de deux ans en raison d’un comportement jugé défavorable par l’autorité administrative. Les services ministériels invoquaient une procédure pour dégradation de biens d’autrui ayant fait l’objet d’un classement sans suite par l’autorité judiciaire compétente. Saisi en première instance, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette mesure d’ajournement par un jugement en date du 4 avril 2024. L’administration a interjeté appel en soutenant que le motif du classement sans suite impliquait nécessairement la caractérisation préalable de l’infraction reprochée. Le litige porte sur la possibilité pour l’autorité publique de se fonder sur des faits contraventionnels mineurs pour retarder l’accès à la citoyenneté. Les juges d’appel confirment la solution des premiers juges tout en rectifiant le raisonnement juridique relatif à la preuve de la matérialité des faits.
L’étude de cette décision impose d’analyser la valeur probante des motifs de classement sans suite avant d’examiner le contrôle exercé sur l’erreur manifeste d’appréciation.
I. La valeur probante des motifs de classement sans suite dans l’instruction de la demande
A. La distinction entre l’absence d’infraction et l’inopportunité des poursuites
L’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour porter un regard sur le comportement passé du postulant à la nationalité française. Elle peut légalement prendre en compte les renseignements recueillis sur l’intéressé même si les poursuites pénales n’ont pas abouti à une condamnation ferme. La Cour souligne que le « classement sans suite code 48 » correspond précisément au cas du « préjudice ou trouble peu important causé par l’infraction ». Cette codification spécifique se distingue radicalement des hypothèses d’absence d’infraction ou d’infraction insuffisamment caractérisée mentionnées par les services de l’État. Le parquet estime alors que l’infraction est juridiquement constituée mais que l’engagement de l’action publique ne s’avère pas nécessaire.
B. La reconnaissance de la matérialité des faits reprochés au postulant
La juridiction d’appel censure le raisonnement initial des premiers juges concernant la portée des décisions de classement sans suite. Elle affirme que le choix de ce motif de classement « implique nécessairement la caractérisation par le procureur de la République de l’infraction ». L’administration peut donc valablement considérer que la matérialité des faits est établie malgré l’absence de jugement définitif par une juridiction répressive. Cette solution renforce la capacité des services instructeurs à exploiter les dossiers de police ou les procédures judiciaires classées pour opportunité. Le débat juridique se déplace alors de la preuve de la faute vers la qualification de sa gravité réelle.
II. La sanction de l’erreur manifeste d’appréciation face à la faible gravité des agissements
A. L’exigence de proportionnalité dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire
Le large pouvoir dont dispose l’autorité publique en matière de naturalisation demeure soumis au contrôle restreint du juge administratif de l’excès de pouvoir. Les magistrats doivent vérifier que la décision ne repose pas sur une erreur manifeste d’appréciation au regard des circonstances particulières de l’espèce. Dans cette affaire, la procédure concernait des « dégradations volontaires ayant causé des dommages légers au bien d’autrui » commises plusieurs années auparavant. La Cour observe que l’intéressée n’a jamais fait l’objet d’une condamnation pénale effective pour ces agissements de nature contraventionnelle. Le juge prend soin de noter l’absence d’éléments précis permettant d’identifier la réalité concrète de l’infraction dans les pièces versées aux débats.
B. La confirmation de l’illégalité de la décision administrative d’ajournement
L’arrêt conclut que l’administration a entaché sa décision d’une erreur manifeste en prononçant un ajournement de deux ans pour des faits mineurs. Les juges estiment que la sanction est disproportionnée « eu égard à la faible gravité des faits reprochés et ce, à les supposer même établis ». Cette formule souligne que même si la matérialité est acquise, elle ne justifie pas nécessairement un rejet de la demande. La protection de l’intérêt national ne doit pas conduire à des décisions arbitraires fondées sur des incidents isolés de faible importance. L’appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Nantes est donc rejeté par la juridiction de second degré. Cette solution rappelle que la dignité de la citoyenneté ne saurait être refusée sans un motif d’une gravité suffisante.