Par un arrêt rendu le 20 décembre 2024, la Cour administrative d’appel de Nantes précise les conditions d’indemnisation des préjudices résultant de la vaccination contre la grippe A/H1N1. En l’espèce, une enfant a reçu une injection du vaccin le 30 novembre 2009 avant de développer une narcolepsie diagnostiquée tardivement en 2014. Ses proches ont sollicité l’indemnisation de leurs préjudices auprès de l’établissement public chargé de la réparation des accidents médicaux sur le fondement de la solidarité nationale. Le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande par un jugement du 13 juin 2023, provoquant ainsi l’appel des requérants devant la juridiction supérieure. La question posée aux juges d’appel concerne la preuve du lien de causalité entre l’acte de prévention sanitaire et l’apparition d’une pathologie rare. Les magistrats devaient déterminer si l’absence de certitude scientifique sur les effets d’un vaccin permet néanmoins de retenir la responsabilité de la puissance publique. La Cour administrative d’appel de Nantes rejette la requête en considérant que le délai d’apparition des symptômes excède les limites admises par la littérature médicale.
**I. La reconnaissance d’une probabilité scientifique de lien de causalité**
**A. L’absence d’exclusion scientifique du risque lié au vaccin**
Les juges administratifs rappellent que la responsabilité de l’organisme public est engagée si aucune probabilité de lien de causalité ne peut être scientifiquement écartée. Ils observent que la composition antigénique du vaccin utilisé est strictement identique à celle d’autres produits dont le caractère pathogène est déjà documenté. L’absence d’adjuvant spécifique dans cette préparation ne suffit pas à exclure de manière certaine le déclenchement d’une réaction immunitaire néfaste pour le sujet. La Cour souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction l’existence d’un consensus scientifique permettant d’exclure toute probabilité ou même de conclure à une probabilité négligeable d’un lien ». Cette position oblige les magistrats à examiner les circonstances précises de l’espèce pour vérifier si le lien de causalité peut être raisonnablement établi.
**B. Le basculement vers l’examen des circonstances individuelles d’imputabilité**
Dès lors qu’un risque n’est pas scientifiquement exclu, le juge doit rechercher si les symptômes sont apparus dans un délai normal pour ce type d’affection. Cette approche méthodologique permet de compenser l’incertitude des données médicales générales par une analyse rigoureuse des faits propres à la situation de la victime. Les requérants soutenaient que les troubles avaient commencé dès l’année 2010 mais leurs affirmations ne reposaient sur aucun élément matériel ou témoignage probant. La juridiction d’appel refuse de se contenter des seules déclarations des parents pour fixer le point de départ d’une maladie au développement souvent très insidieux. Elle écarte ainsi l’application de méthodes de pharmacovigilance jugées inadaptées pour privilégier une vérification chronologique stricte des premières manifestations cliniques rapportées dans le dossier.
**II. L’exigence d’un délai de survenance compatible avec les données de la science**
**A. La fixation souveraine du point de départ des troubles pathologiques**
La Cour analyse minutieusement les rapports médicaux ainsi que le dossier scolaire de la jeune femme pour dater l’apparition des premiers signes de somnolence. Elle relève que les chutes inexpliquées et les épisodes de fatigue excessive ne sont documentés par des pièces médicales qu’à partir de l’année 2012. Les bulletins scolaires produits aux débats révèlent des résultats satisfaisants jusqu’au collège, ce qui contredit la thèse d’un déclin cognitif précoce lié à la pathologie. Par conséquent, il « résulte de l’instruction que le début des symptômes peut être fixé de manière certaine au plus tôt au début de l’année 2012 ». Cette appréciation souveraine des faits conduit les juges à constater un intervalle de plus de deux ans entre l’acte de vaccination et la maladie.
**B. L’éviction de la responsabilité publique pour dépassement du délai normal**
La littérature médicale actuelle estime que les complications liées à ce vaccin surviennent généralement dans un délai compris entre quinze jours et deux ans. En l’espèce, le dépassement de ce seuil temporel empêche de regarder la narcolepsie comme étant directement imputable à l’injection reçue durant la campagne vaccinale. La Cour administrative d’appel de Nantes confirme donc le jugement de première instance en estimant que la preuve du lien de causalité n’est pas rapportée. Elle refuse d’ordonner une nouvelle expertise médicale au motif que les connaissances scientifiques actuelles ne laissent présager aucune évolution immédiate sur cette question. La solution retenue illustre la rigueur nécessaire dans l’administration de la preuve pour préserver l’équilibre financier du dispositif de réparation de la solidarité nationale.