La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 20 juin 2025, une décision importante concernant le refus de visa pour des mineurs étrangers. Une ressortissante bénéficiant de la protection subsidiaire demandait la venue de ses deux enfants résidant actuellement au sein de leur pays d’origine. L’autorité consulaire avait initialement opposé un refus à cette demande de réunification familiale, décision confirmée ultérieurement par la commission de recours compétente. Le Tribunal administratif de Nantes avait rejeté la demande d’annulation le 19 décembre 2023, poussant ainsi la requérante à former un appel. Celle-ci soutient que le refus méconnaît les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant. Le litige porte sur la capacité de l’administration à refuser le regroupement alors que le père des enfants conserve formellement l’exercice de l’autorité parentale. La juridiction d’appel devait déterminer si les circonstances concrètes de vie des mineurs imposaient leur venue en France nonobstant la situation juridique de leur père. La Cour annule le jugement ainsi que la décision administrative en soulignant l’atteinte portée aux intérêts des mineurs séparés de leur mère protectrice. L’analyse portera d’abord sur la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant avant d’examiner l’appréciation concrète des circonstances familiales par le juge administratif.
I. La primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant
A. L’application directe des engagements internationaux Les juges nantais fondent leur raisonnement sur l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant pour censurer la décision administrative contestée. Ce texte stipule que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants (…) l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». La Cour rappelle que cette règle s’impose à toutes les autorités administratives dès lors qu’elles statuent sur le sort de mineurs étrangers. L’administration ne peut se limiter à une vérification formelle des conditions de ressources sans évaluer les conséquences humaines du maintien de la séparation. Cette solution renforce la protection des familles dont un membre est déjà admis au bénéfice d’une protection internationale sur le territoire français.
B. La neutralisation des obstacles tirés de l’autorité parentale formelle Le ministre soutenait que le père des enfants exerçait toujours l’autorité parentale en l’absence de décision juridictionnelle contraire prononcée par une cour compétente. La Cour administrative d’appel écarte cet argument en notant que « le père des enfants (…) a donné par écrit son accord à la sortie du territoire ». Les juges considèrent que la persistance juridique de ce lien paternel ne suffit pas à justifier le maintien des enfants loin de leur mère. La décision privilégie la réalité des soins apportés aux enfants sur les titres juridiques qui pourraient faire obstacle au regroupement des membres de la famille. Cette approche pragmatique permet de contourner les difficultés liées à l’absence de déchéance formelle des droits parentaux dans le pays d’origine.
II. Une appréciation concrète des trajectoires de réunification
A. La prise en compte des souffrances liées à la séparation Le juge administratif examine minutieusement les conditions de vie des mineurs restés sous la garde d’un oncle maternel dont les études limitent la disponibilité. L’arrêt relève les « souffrances psychologiques endurées par les enfants du fait de leur séparation d’avec leur mère » pour caractériser l’erreur d’appréciation commise par l’administration. La situation de la mère, bénéficiaire de la protection subsidiaire, pèse lourdement dans la balance des intérêts en présence lors de cet examen approfondi. Le passé violent du conjoint à l’égard d’un autre enfant handicapé de la famille justifie également l’urgence de soustraire les mineurs à ce contexte. La protection accordée aux enfants devient alors le prolongement nécessaire de la protection internationale déjà octroyée à la mère par les autorités françaises.
B. L’extension des garanties procédurales en faveur de la réunification L’annulation du refus de visa s’accompagne d’une injonction stricte obligeant le ministre compétent à délivrer les titres de voyage dans un délai déterminé. La juridiction affirme que « l’exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés » aux deux mineurs concernés par la demande initiale. Cette fermeté jurisprudentielle limite la marge de manœuvre de l’autorité publique face aux situations de vulnérabilité extrême constatées lors de l’instruction du dossier. Elle consacre un véritable droit à la vie familiale pour les protégés subsidiaires dont les attaches sont désormais durablement fixées sur le sol français. La portée de cet arrêt s’étend ainsi à l’ensemble des procédures de réunification marquées par des configurations familiales complexes ou des ruptures géographiques.