La Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 20 juin 2025, précise les critères de délivrance d’un visa d’ascendant à charge. Une ressortissante étrangère sollicitait un titre de long séjour afin de rejoindre ses enfants de nationalité française établis sur le territoire national. Après un premier réexamen ordonné par le juge, le ministre de l’Intérieur a opposé un nouveau refus fondé sur l’absence de dépendance effective. Le tribunal administratif de Nantes a initialement rejeté la demande d’annulation de cette décision ministérielle par un jugement du 15 juillet 2024. L’intéressée soutient que ses ressources sont nulles et que les virements financiers de son fils attestent d’un soutien régulier et indispensable. Elle souligne son isolement total au pays d’origine puisque l’ensemble de sa descendance réside désormais en France de manière pérenne. Le litige porte sur la qualification juridique de la dépendance économique de l’ascendant et sur l’appréciation souveraine de sa situation d’isolement familial. La juridiction d’appel annule le jugement ainsi que le refus de visa en constatant l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation des faits. Elle écarte également une demande de substitution de motifs formulée par l’administration en défense lors de l’instance d’appel. Ce commentaire analysera d’abord l’objectivation de la condition d’ascendant à charge avant d’étudier le contrôle rigoureux exercé sur les motifs de l’administration.
I. L’objectivation de la condition d’ascendant à charge
La Cour administrative d’appel de Nantes fonde sa décision sur une analyse concrète des flux financiers entre le descendant et son parent.
A. Une appréciation matérielle de la dépendance financière
Les juges rappellent que le visa peut être refusé si le descendant « ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ». En l’espèce, les virements bancaires réguliers atteignaient une somme représentant plus de huit fois le salaire mensuel moyen du pays d’origine. Cette aide matérielle constante constitue la preuve d’une prise en charge effective rendant le séjour en France juridiquement nécessaire et justifié. Le caractère suffisant des revenus du fils perçus au titre de son emploi de consultant confirme sa capacité à entretenir son ascendant. La Cour privilégie ainsi une approche pragmatique des ressources disponibles plutôt qu’une analyse strictement formelle des conditions d’hébergement proposées initialement.
B. La reconnaissance de l’isolement familial au pays d’origine
L’arrêt souligne que la requérante était âgée de soixante-sept ans et divorcée au moment où la décision de refus fut prise. Ses deux enfants vivant en France, elle ne disposait plus d’aucune attache familiale locale susceptible de lui apporter un soutien moral. En affirmant que la situation d’isolement n’était pas établie, le ministre a commis une erreur de fait manifeste selon la juridiction. L’absence de ressources propres rend la présence des enfants indispensable pour garantir à l’ascendante des conditions de vie décentes et sécurisées. Cette analyse renforce la protection des liens familiaux lorsque l’éloignement géographique fragilise excessivement la vie privée et sociale d’un parent âgé.
II. Le contrôle rigoureux des motifs opposés par l’administration
Le juge administratif exerce une surveillance étroite sur la cohérence des arguments soulevés par l’autorité ministérielle pour justifier ses refus successifs.
A. La sanction de l’erreur manifeste d’appréciation ministérielle
L’administration prétendait que les sommes envoyées étaient faibles alors que le dossier démontrait le contraire par la production de relevés bancaires précis. La Cour administrative d’appel de Nantes juge qu’en estimant que l’ascendante n’était pas à charge, le ministre a « entaché sa décision d’une erreur manifeste ». La disproportion entre le motif invoqué et la réalité des pièces produites entraîne inévitablement l’annulation de l’acte administratif contesté devant le juge. La décision de justice protège le droit au regroupement familial contre des appréciations purement subjectives ou erronées des capacités financières des foyers. Ce contrôle de l’erreur manifeste permet de censurer les refus qui méconnaissent gravement la situation réelle des familles étrangères en situation de dépendance.
B. L’échec de la substitution de motifs en appel
Le ministre a tenté d’invoquer un nouveau motif tiré de l’absence de nécessité d’un séjour de plus de trois mois. La juridiction précise que l’administration peut faire valoir qu’une décision est « légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre ». Toutefois, ce motif est rejeté car la qualité d’ascendant à charge implique intrinsèquement la nécessité d’un séjour durable auprès du descendant. La substitution est écartée car le nouveau fondement juridique ne permet pas de légitimer le refus initial au regard des circonstances d’espèce. Cette rigueur procédurale empêche l’administration de multiplier les obstacles artificiels pour contourner l’autorité d’une annulation juridictionnelle précédemment prononcée par le tribunal.