La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 20 juin 2025, une solution précisant le régime juridique applicable aux visas dits de retour. Cet arrêt détermine l’étendue des prérogatives de l’administration face à un ressortissant étranger bénéficiant déjà d’un titre de séjour régulier et valide.
Un ressortissant étranger titulaire d’une carte de résident a sollicité un visa de retour auprès des services consulaires après un séjour hors de France. L’administration a rejeté sa demande au motif que l’intéressé présentait une menace pour l’ordre public, rendant son retour sur le territoire national indésirable.
Le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision le 26 juin 2024 mais a seulement ordonné un réexamen de la situation du requérant. L’administration a fait appel de ce jugement, alors que le demandeur sollicitait par la voie incidente la délivrance directe du titre de voyage nécessaire.
La juridiction d’appel devait déterminer si les autorités chargées des visas disposent du pouvoir de refuser l’entrée à un étranger détenant un titre valide.
La cour administrative d’appel juge que la détention d’un titre de séjour dispense l’étranger de solliciter un visa pour entrer sur le territoire français.
L’étude de cette solution conduit à analyser l’incompétence des autorités de visa (I) puis d’étudier l’obligation de délivrance imposée par le juge (II).
I. L’incompétence des autorités de visa face au détenteur d’un titre de séjour
A. Le principe d’exemption de visa pour le résident régulier
La cour administrative d’appel de Nantes rappelle que le droit au retour est intrinsèquement lié à la possession d’un titre de séjour en validité. Elle se fonde sur l’article L. 312-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour écarter l’exigence de visa.
Les juges considèrent que « la détention d’un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre ». L’administration ne peut donc pas soumettre l’entrée sur le territoire à une autorisation supplémentaire lorsque le droit au séjour est déjà acquis.
Cette solution protège la stabilité de la situation juridique du résident étranger en lui permettant de circuler librement entre la France et l’étranger. L’exemption de visa devient une règle d’ordre public que les autorités consulaires doivent respecter scrupuleusement sous peine de commettre un excès de pouvoir.
B. L’inopérance du motif tiré de la menace pour l’ordre public
L’arrêt précise que les autorités chargées de délivrer les visas ne peuvent pas invoquer l’ordre public pour faire obstacle au retour d’un résident. La cour souligne que ces autorités « ne disposent pas du pouvoir de refuser, quel que soit le motif invoqué, l’octroi d’un visa ».
Le juge administratif opère une distinction claire entre le contrôle préalable des visas et la police de l’entrée sur le territoire national souverain. Seules les autorités compétentes au moment du passage de la frontière peuvent s’opposer à l’entrée d’un étranger présentant un risque pour la sécurité.
Cette répartition des compétences empêche les consulats de s’immiscer dans des procédures d’éloignement qui relèvent exclusivement de l’autorité préfectorale ou de la police. Le motif d’ordre public devient inopérant dans le cadre d’une demande de visa de retour présentée par un étranger titulaire d’un titre valide.
II. L’étendue de l’office du juge concernant l’exécution du jugement
A. La censure du simple réexamen ordonné en première instance
Le tribunal administratif de Nantes avait initialement enjoint à l’administration de procéder à un nouveau dossier d’examen de la demande du requérant étranger. La cour administrative d’appel considère toutefois que cette mesure était insuffisante au regard de la situation juridique particulière caractérisant cette espèce contentieuse.
L’illégalité de la décision attaquée ne reposait pas sur un vice de forme mais sur une incompétence radicale d’agir de la part de l’administration. Dès lors que l’autorité n’avait aucun pouvoir de refus, un simple réexamen ne pouvait conduire qu’à la confirmation de l’illégalité initiale commise.
Ainsi, le juge d’appel rectifie la portée de la chose jugée en estimant que l’annulation « impliquait nécessairement qu’un tel visa soit délivré ». La cour privilégie l’efficacité de la protection juridictionnelle sur la marge de manœuvre théorique que l’administration souhaitait conserver sans fondement légal.
B. L’injonction de délivrance comme conséquence nécessaire de l’annulation
L’arrêt confirme que le juge administratif doit tirer toutes les conséquences d’un refus de visa fondé sur une incompétence liée de l’autorité administrative. La cour administrative d’appel de Nantes ordonne donc la délivrance du document de voyage sollicité par l’étranger dans un délai de deux mois.
Cette injonction directe de faire constitue la seule garantie réelle permettant au ressortissant étranger de retrouver l’exercice effectif de son droit au séjour. Elle sanctionne l’obstruction injustifiée des services de l’État qui tentaient de restreindre la liberté de circulation d’un résident en situation régulière.
La portée de cette décision réside dans l’affirmation d’un droit au retour quasi automatique pour les étrangers dont le titre de séjour demeure valide. Le juge s’assure ainsi que les formalités administratives ne deviennent pas des obstacles insurmontables à la reconnaissance de droits fondamentaux déjà octroyés.