Cour d’appel administrative de Nantes, le 20 mai 2025, n°24NT01485

Par un arrêt rendu le 20 mai 2025, la cour administrative d’appel de Nantes se prononce sur la contestation d’une interdiction de retour. Ce litige porte sur la recevabilité d’une exception d’illégalité contre un acte définitif et sur la motivation de cette mesure. Un ressortissant étranger a reçu une obligation de quitter le territoire français en juillet 2020. Il s’est maintenu irrégulièrement sur le sol national après l’expiration du délai de départ volontaire. L’autorité administrative a alors prononcé une interdiction de retour de deux ans en décembre 2020. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d’annulation par un jugement du 12 mars 2024. L’intéressé a interjeté appel de cette décision devant la juridiction nantaise. L’illégalité d’une mesure d’éloignement devenue définitive peut-elle être invoquée par voie d’exception contre une interdiction de retour ? La motivation d’une telle interdiction doit-elle préciser l’importance accordée à chaque critère légal de manière distincte ? La cour rejette l’exception d’illégalité car l’acte initial n’a pas été contesté dans les délais requis par le requérant. Elle précise aussi que la motivation de l’interdiction n’impose pas d’indiquer le poids respectif des critères légaux. L’étude de cette décision impose d’analyser l’irrecevabilité du recours contre l’acte initial définitif (I) puis la validité de la mesure d’interdiction de retour (II).

I. L’irrecevabilité du recours contre l’acte initial définitif

A. Le constat de la tardiveté de la contestation directe

L’acte administratif portant obligation de quitter le territoire a été notifié régulièrement le 4 août 2020 au destinataire. Cette notification comportait la mention précise des voies et des délais de recours ouverts devant la juridiction administrative. Le délai de recours contentieux de trente jours a donc commencé à courir dès le lendemain de cette réception. Ce délai a expiré le 5 septembre 2020 sans qu’aucune requête en annulation ne soit enregistrée au greffe. Le requérant a sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle seulement le 18 décembre 2020, soit tardivement. Cette demande présentée après l’expiration du délai de recours n’a pas pu proroger ce dernier de manière efficace. Cette tardiveté manifeste entraîne la cristallisation de la légalité de l’acte initial, rendant ainsi inopérante toute contestation par la voie de l’exception.

B. L’éviction de l’exception d’illégalité contre la mesure d’éloignement

Le juge administratif rappelle que « l’illégalité d’un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d’exception » sous conditions strictes. Cette contestation est possible seulement si l’acte contesté n’est pas encore devenu définitif au moment du recours. En l’espèce, l’absence de contestation dans le délai de trente jours a rendu l’obligation de quitter le territoire irrévocable. Le requérant ne peut donc plus utilement invoquer les vices propres de cette décision individuelle pour contester l’interdiction de retour. La cour administrative d’appel de Nantes confirme ainsi une jurisprudence classique protégeant la stabilité des situations juridiques administratives. La protection de la sécurité juridique justifie ici l’exclusion de l’exception d’illégalité, ce qui déplace le débat vers la légalité propre de l’interdiction de retour.

II. La validité de la mesure d’interdiction de retour

A. La suffisance de la motivation globale de la décision

L’administration doit tenir compte de plusieurs critères légaux, tels que la durée de présence ou la menace à l’ordre public. La cour précise qu’ « aucune règle n’impose que le principe et la durée de l’interdiction de retour fassent l’objet de motivations distinctes ». L’autorité préfectorale doit simplement attester de la prise en compte de l’ensemble des éléments prévus par le code. Il n’est pas exigé que le signataire de l’acte indique l’importance ou le poids respectif accordé à chaque critère. Le préfet a ici mentionné la présence récente sur le territoire et l’absence de liens familiaux stables du requérant. Ces considérations de droit et de fait permettent à l’intéressé de comprendre les motifs exacts de la mesure prise. Le juge exerce ensuite son contrôle sur l’adéquation de la mesure avec la situation personnelle et familiale du ressortissant étranger.

B. La conformité de la durée d’interdiction à la situation personnelle

Le requérant se trouvait en situation de travail illégal lors de son interpellation par les services de police nationale. Il était également dépourvu de permis de conduire et ne justifiait d’aucune charge de famille sur le sol français. La cour estime que l’interdiction de retour de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit. Cette durée respecte les plafonds légaux prévus lorsque l’étranger s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai imparti. L’absence de preuves concernant la réalité d’une relation sentimentale avec une autre ressortissante affaiblit considérablement l’argumentation du requérant. La mesure de signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen reste donc valide par voie de conséquence. La cour administrative d’appel de Nantes rejette finalement l’ensemble des conclusions de la requête pour ces motifs juridiques.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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