Cour d’appel administrative de Nantes, le 23 décembre 2024, n°24NT03368

La cour administrative d’appel de Nantes a rendu le 23 décembre 2024 une décision relative aux conditions d’octroi du sursis à l’exécution d’un jugement. Un ressortissant étranger faisait l’objet d’un arrêté préfectoral renouvelant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours en octobre 2024. Saisi d’un recours en annulation, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande par un jugement du 26 novembre 2024. L’intéressé a alors interjeté appel et sollicité parallèlement la suspension de l’exécution de ce jugement de première instance. La juridiction d’appel devait déterminer si le rejet d’un recours pour excès de pouvoir est susceptible de faire l’objet d’une mesure de sursis. La cour rejette la requête en considérant que le jugement n’entraîne par lui-même aucune mesure d’exécution modifiant la situation de droit ou de fait.

I. La confirmation du régime restrictif du sursis à exécution des jugements de rejet

A. L’exigence d’une modification de la situation de droit ou de fait

Le juge d’appel fonde sa décision sur une interprétation rigoureuse des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative. Ces dispositions permettent d’ordonner le sursis si l’exécution de la décision attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables pour le requérant. La cour précise qu’un tel sursis ne peut être ordonné que « dans l’hypothèse où ce rejet a modifié la situation de droit ou de fait ». L’analyse de la juridiction souligne ainsi la nécessité d’un impact concret du jugement sur l’ordonnancement juridique ou la situation matérielle. Cette condition classique limite strictement l’usage de cette procédure aux décisions juridictionnelles qui créent une obligation nouvelle ou modifient un état préexistant.

B. L’absence de mesures d’exécution attachées au jugement de débouté

Le rejet d’une demande d’annulation par le tribunal administratif ne constitue pas une décision exécutoire par nature au sens du code précité. La cour affirme que le jugement « n’entraîne par lui-même aucune mesure d’exécution susceptible de faire l’objet du sursis » prévu par les textes. En validant implicitement l’acte administratif contesté, la juridiction de premier ressort se borne à maintenir la validité de la décision initiale du préfet. Le requérant se trouve donc dans la même situation juridique qu’avant l’intervention du premier juge, ce qui exclut toute possibilité de suspension. Cette solution rappelle la distinction fondamentale entre le caractère exécutoire de l’acte administratif et l’absence d’effet propre du jugement de rejet.

II. L’inefficacité contentieuse du sursis face à une mesure de police administrative

A. La persistance de l’acte initial malgré le recours juridictionnel

L’assignation à résidence demeure pleinement applicable tant qu’elle n’est pas annulée par une décision de justice définitive ou suspendue par le juge. Le sursis à exécution du jugement ne peut avoir pour effet de paralyser l’acte administratif dont l’annulation a été refusée en première instance. La cour souligne ainsi que le litige porte sur une mesure de police dont l’efficacité doit être préservée pendant le temps de l’appel. Cette approche garantit la continuité de l’action administrative et évite que l’introduction d’un recours ne devienne un instrument de blocage systématique. Le juge refuse de conférer au sursis une portée qu’il ne possède pas, préservant ainsi la hiérarchie des normes procédurales.

B. Une solution protectrice de la célérité de l’action préfectorale

La décision commentée s’inscrit dans une logique de protection des prérogatives de puissance publique liées à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. La cour rejette les conclusions fondées sur l’article L. 761-1 du code de justice administrative en raison de l’absence de sérieux du recours. Elle rappelle par ailleurs que les ordonnances rendues en matière de sursis à exécution sont immédiatement exécutoires de plein droit dès leur notification. Cette célérité procédurale vise à assurer une sécurité juridique rapide pour l’administration et le justiciable, malgré le rejet des prétentions de ce dernier. La juridiction dantaise confirme ainsi une jurisprudence constante qui privilégie la stabilité des situations administratives validées par le juge de l’excès de pouvoir.

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Hassan KOHEN
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