Cour d’appel administrative de Nantes, le 23 juin 2025, n°24NT00139

La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision rendue le 23 juin 2025, apporte des précisions sur le régime de l’avancement d’échelon et la responsabilité administrative. Un adjoint technique territorial contestait un arrêté portant avancement d’échelon en invoquant l’illégalité de son refus de titularisation initial survenu trente ans plus tôt. Il sollicitait parallèlement l’indemnisation de préjudices financiers résultant d’une gestion de carrière qu’il estimait fautive en raison d’une absence prolongée d’évaluation professionnelle annuelle. Le tribunal administratif de Rennes ayant rejeté l’intégralité de ses demandes en première instance, l’agent a interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de l’acte et une condamnation indemnitaire. La question posée à la juridiction d’appel concernait l’incidence d’un défaut d’évaluation sur la légalité d’un avancement d’échelon et les conditions d’engagement de la responsabilité pour faute. Les juges nantais confirment le rejet de la requête en distinguant strictement la légalité des actes administratifs individuels du droit à réparation né d’une carence fautive.

I. La régularité de l’avancement d’échelon face aux aléas de la carrière administrative

L’avancement d’échelon constitue un acte administratif dont la légalité s’apprécie au regard des conditions d’ancienneté requises par les statuts particuliers du cadre d’emplois concerné.

A. L’irrecevabilité de l’exception d’illégalité contre des décisions définitives

Le requérant tentait d’exciper de l’illégalité de la décision du 14 juin 1993 ayant mis fin à son stage initial pour contester son avancement d’échelon de 2020. La Cour administrative d’appel de Nantes écarte ce moyen en relevant que l’intéressé « ne conteste pas le caractère définitif de la décision du 14 juin 1993 ». Une décision administrative devenue définitive ne peut plus être contestée par la voie de l’exception lors de l’édiction d’actes ultérieurs intervenant plusieurs décennies après. Les magistrats rappellent ainsi que la stabilité des situations juridiques s’oppose à la remise en cause perpétuelle des actes individuels relatifs à la nomination ou à la titularisation. La circonstance qu’un agent soit recruté de nouveau sur un poste d’auxiliaire ne suffit pas à établir un droit à la titularisation rétroactive. Cette solution préserve la cohérence de la reconstitution de carrière en interdisant de fonder une annulation sur des griefs rattachés à des actes créateurs de droits devenus intangibles.

B. L’automaticité de l’avancement d’échelon au regard de l’ancienneté

Le litige portait également sur l’absence de notation et d’évaluation professionnelle entre 1993 et 2008, période durant laquelle la commune n’avait mis en place aucun entretien. La Cour juge que cette absence d’évaluation « est sans incidence sur la légalité de l’arrêté du 7 décembre 2020 portant avancement au 8ème échelon de son grade ». L’avancement d’échelon dans la catégorie C de la fonction publique territoriale est en effet « accordé de plein droit en fonction de l’ancienneté de l’agent ». Le décret du 22 décembre 2006 ne prévoit aucune prise en compte de la valeur professionnelle pour ce type d’avancement spécifique au sein de ce cadre d’emplois. Par conséquent, l’irrégularité tenant au défaut d’évaluation annuelle, bien que réelle, ne saurait vicier un acte dont les conditions d’édiction sont purement arithmétiques. La décision administrative d’avancement reste valide dès lors que les durées de temps passé dans l’échelon inférieur sont strictement respectées par l’autorité territoriale.

II. Les obstacles à l’indemnisation des préjudices liés à la gestion de carrière

Si l’administration commet une faute en négligeant l’évaluation de ses agents, le droit à réparation suppose la réunion de conditions strictes liées au temps et au dommage.

A. L’extinction des créances indemnitaires par la prescription quadriennale

Le requérant sollicitait la réparation du préjudice financier né de son maintien sous statut d’auxiliaire et d’une reprise d’ancienneté qu’il jugeait insuffisante lors de sa titularisation tardive. La juridiction applique les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur les collectivités publiques pour rejeter ces prétentions. Elle observe que l’agent a eu connaissance de sa situation administrative dès la notification des arrêtés de nomination et de titularisation intervenus entre 2008 et 2009. Le délai de prescription de quatre ans a donc débuté au plus tard le 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle ces droits ont été acquis. La première réclamation écrite n’ayant été formulée qu’en 2013 ou 2020 selon les chefs de préjudice, les créances se trouvaient irrémédiablement prescrites au moment de l’action. Le juge administratif assure ainsi la protection des finances publiques contre des demandes indemnitaires tardives portant sur des faits générateurs anciens et clairement identifiés par l’agent.

B. L’exigence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice certain

La Cour reconnaît l’existence d’une faute de la commune résultant de l’absence de mise en place de mesures de notation et d’évaluation entre 1993 et 2008. Cependant, l’engagement de la responsabilité administrative nécessite la démonstration d’un préjudice direct et certain découlant directement de cette carence fautive de l’autorité municipale. En l’espèce, les juges relèvent que l’agent « ne se prévaut d’aucun préjudice, fut-il moral, en lien direct et certain avec cette faute » commise par son employeur. L’absence d’évaluation professionnelle n’entraîne pas automatiquement un dommage financier ou une perte de chance d’avancement si les conditions statutaires ne prévoient pas de modulation au mérite. La requête indemnitaire est rejetée car le requérant échoue à prouver que le défaut d’entretien annuel a concrètement freiné son évolution de carrière ou affecté sa situation. Cette position jurisprudentielle souligne que la seule existence d’une illégalité fautive ne suffit pas à ouvrir un droit à indemnisation sans justification précise du préjudice subi.

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Hassan KOHEN
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