Cour d’appel administrative de Nantes, le 24 décembre 2024, n°24NT01254

Par un arrêt en date du 24 décembre 2024, la Cour administrative d’appel a statué sur le recours d’une ressortissante étrangère contre un jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 mars 2024. Ce jugement avait rejeté sa demande d’annulation d’un arrêté préfectoral refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. L’intéressée, entrée irrégulièrement en France et déboutée de sa demande d’asile, avait sollicité son admission au séjour au titre de son état de santé ainsi que de sa vie privée et familiale. Le préfet avait opposé un refus, décision confirmée en première instance par les juges administratifs.

Devant la cour, la requérante soulevait plusieurs moyens, notamment tirés de l’incompétence du signataire de l’acte et d’une motivation insuffisante, arguments rapidement écartés par les juges d’appel. Elle contestait surtout l’appréciation portée sur sa situation médicale et personnelle. La requérante estimait que le refus de séjour était entaché d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et qu’il portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Se posait ainsi à la cour la question de savoir si le préfet avait correctement appliqué les critères légaux relatifs à l’admission au séjour pour raisons de santé et si sa décision respectait les exigences conventionnelles relatives à la vie privée et familiale.

En réponse, la cour a rejeté l’ensemble des moyens de la requérante et confirmé la légalité de la décision préfectorale. Elle a estimé que ni l’état de santé de l’intéressée, ni l’intensité de ses liens en France ne justifiaient l’annulation du refus de séjour.

I. L’application rigoureuse des conditions d’octroi du titre de séjour pour raisons de santé

La cour confirme la décision du préfet en se fondant sur une interprétation stricte des conditions légales, laquelle accorde un poids déterminant à l’avis médical technique tout en imposant une charge probatoire conséquente à la requérante.

A. La prépondérance de l’avis du collège des médecins de l’OFII

Le juge administratif rappelle le cadre juridique de l’admission au séjour pour un étranger malade, conditionnée par la nécessité d’une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Dans son appréciation, le préfet et, à sa suite, le juge s’appuient de manière privilégiée sur l’avis émis par le collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. En l’espèce, la cour relève que cet avis, bien que reconnaissant un besoin de soins, concluait à l’absence de risque d’une exceptionnelle gravité. Elle cite en ce sens : « Par un avis du 17 juillet 2023, le collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a estimé que si l’état de santé de Mme B… nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité ». Cette approche illustre la confiance accordée par le juge à l’expertise technique de l’organisme spécialisé. L’avis défavorable de l’OFII crée une présomption forte que le préfet peut légitimement suivre, sans pour autant que sa compétence ne soit liée.

B. L’insuffisance des preuves apportées par la requérante

Face à la présomption née de l’avis médical, il incombait à la requérante de produire des éléments circonstanciés pour la renverser. La cour souligne l’échec de l’intéressée à satisfaire cette exigence probatoire. Elle constate en effet que « la requérante ne décrit pas avec précision les problèmes médicaux dont elle souffrirait et ne produit aucun document notamment médical permettant de remettre en cause cette appréciation ». Le juge exige donc plus qu’une simple allégation ; il attend des pièces médicales précises et objectives susceptibles de contredire l’évaluation du collège des médecins. Cette décision réaffirme que la charge de la preuve pèse entièrement sur l’étranger qui se prévaut de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’absence de tels éléments conduit logiquement la cour à écarter le grief d’erreur de fait et de méconnaissance des dispositions légales, validant ainsi l’analyse préfectorale.

II. Le contrôle classique de l’atteinte au droit à la vie privée et familiale

Après avoir écarté les moyens relatifs à l’état de santé, la cour procède à un contrôle de proportionnalité de l’atteinte portée à la vie privée et familiale de la requérante, en application de l’article 8 de la convention européenne. Ce contrôle se traduit par une mise en balance pragmatique des liens de l’intéressée en France et de ses attaches dans son pays d’origine.

A. L’appréciation restrictive de l’intégration en France

La cour examine les éléments de la vie privée et familiale de la requérante en France pour en mesurer l’intensité. Elle retient une approche concrète qui prend en compte la durée de la résidence et la nature des liens développés. L’arrêt constate que « la requérante résidait en France depuis moins de trois ans à la date de l’arrêté contesté et qu’elle ne justifie pas y avoir des liens d’une ancienneté ou intensité particulières ». Le juge considère que la seule présence d’une partie de sa descendance ne suffit pas à caractériser une intégration poussée, précisant que « la seule scolarisation de ses quatre enfants résidant en France ne suffit pas à démontrer qu’elle serait particulièrement intégrée au sein de la société française ». Cette motivation démontre que le juge se livre à une évaluation globale, où la scolarisation des enfants, si elle est un élément pris en compte, n’emporte pas à elle seule la conviction et ne saurait suffire à constituer une atteinte disproportionnée.

B. La prise en compte des attaches persistantes dans le pays d’origine

Le contrôle de proportionnalité implique un double examen, portant tant sur la situation en France que sur celle dans le pays de renvoi. La cour achève son raisonnement en relevant que l’éloignement de la requérante ne la laisserait pas dans une situation d’isolement. Elle observe en effet que l’intéressée « n’est pas être dépourvue d’attaches dans son pays d’origine où résident notamment ses deux autres enfants mineurs et où la cellule familiale pourrait se reconstituer ». La possibilité de reconstituer une vie familiale dans le pays d’origine est un facteur déterminant pour le juge dans son appréciation de la proportionnalité de la mesure d’éloignement. Cet élément permet de conclure que la décision préfectorale ne porte pas une atteinte excessive au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, au regard des objectifs de la police des étrangers. La décision attaquée est ainsi jugée conforme aux stipulations de l’article 8 de la convention européenne.

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Hassan KOHEN
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