La Cour administrative d’appel de Nantes, le 24 juin 2025, a statué sur la responsabilité de l’État liée à la pollution mortelle par les algues vertes. Un coureur à pied a perdu la vie dans un estuaire après avoir inhalé des gaz toxiques émanant de végétaux en décomposition. Les ayants droit ont sollicité l’indemnisation de leurs préjudices suite au rejet de leurs prétentions par le tribunal administratif de Rennes en première instance. La juridiction d’appel devait rechercher si les carences réglementaires de la puissance publique présentaient un lien de causalité direct avec ce décès accidentel. Les magistrats retiennent la responsabilité fautive de l’administration tout en prononçant une exonération partielle pour l’imprudence commise par la victime sur l’estran.
I. L’existence d’une faute de l’État résultant d’une carence réglementaire prolongée
A. Le manquement caractérisé aux obligations de protection des masses d’eau
L’arrêt souligne que l’État français a méconnu ses obligations découlant des directives européennes relatives à la protection des eaux contre les nitrates d’origine agricole. La cour rappelle que les carences dans la mise en œuvre de la réglementation constituent une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Les juges précisent que « les pollutions d’origine agricole des eaux superficielles et souterraines constituent la cause principale de la prolifération des ulves » sur le littoral. Cette méconnaissance persistante des normes environnementales internationales empêche l’atteinte d’un bon état écologique des eaux et favorise la multiplication des phénomènes de marées vertes.
B. L’insuffisance manifeste des plans d’action successifs face aux pollutions agricoles
La juridiction administrative relève que les politiques publiques menées n’ont pas permis d’obtenir des résultats visibles de diminution durable du phénomène des pollutions diffuses. L’arrêt constate que « l’inapplication de la législation relative aux installations classées » ainsi que l’insuffisance des contrôles ont eu pour conséquence la dégradation continue des nappes. La cour estime que les programmes d’actions successifs se sont révélés insuffisants à la date du dommage pour prévenir efficacement la prolifération des algues toxiques. Cette situation traduit une défaillance systémique dans l’exercice du pouvoir réglementaire de police environnementale malgré les alertes répétées des autorités scientifiques et des associations.
II. Une causalité certaine assortie d’un partage de responsabilité pour imprudence
A. La preuve scientifique du lien direct entre la pollution et le décès
Le lien de causalité est établi par la démonstration d’une intoxication mortelle provoquée par le gaz toxique dégagé par la putréfaction des végétaux échoués. L’arrêt affirme « l’existence d’un lien direct et certain de cause à effet entre ces manquements et, à cette époque, la prolifération d’algues vertes ». Les analyses chimiques ont révélé des concentrations d’hydrogène sulfuré susceptibles de provoquer une perte de connaissance immédiate ainsi qu’un arrêt cardiocirculatoire fatal. La cour écarte les facteurs météorologiques ou topographiques pour se concentrer sur l’origine gazeuse du décès brutal de la victime dans la zone de vasière.
B. L’atténuation de la responsabilité administrative par la connaissance du risque
Toutefois, la juridiction administrative retient une part de responsabilité à la charge de la victime en raison de sa connaissance particulière de la dangerosité des lieux. La cour considère qu’en s’engageant sur l’estran pour traverser la filière, l’intéressé « a fait preuve d’une imprudence de nature à atténuer la responsabilité de l’État ». Les témoignages confirment que la victime résidait à proximité et connaissait les risques d’envasement ainsi que les dangers liés à la présence d’algues. L’État n’est donc condamné à supporter que soixante pour cent des conséquences dommageables du décès en raison de cette faute de la victime.