La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 24 juin 2025, un arrêt relatif au refus de délivrance d’un visa de long séjour étudiant. Un ressortissant étranger souhaitait intégrer une formation supérieure en gestion de projets afin de compléter son parcours initial en informatique pour créer son entreprise. L’autorité consulaire avait opposé un refus fondé sur une suspicion de détournement de l’objet du séjour, considérant le projet comme insuffisamment sincère. Le Tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande d’annulation le 13 février 2024, l’intéressé a interjeté appel devant la juridiction administrative supérieure. La question posée aux juges portait sur la réalité du projet d’études et sur la suffisance des ressources financières garanties par un tiers. La Cour a annulé le jugement en retenant une erreur manifeste d’appréciation ainsi que l’échec de la substitution de motifs sollicitée par l’administration.
I. L’exigence de cohérence du projet pédagogique comme rempart contre l’arbitraire
A. La reconnaissance du caractère sérieux et professionnel du cursus envisagé
Le juge administratif examine d’abord la réalité du parcours académique pour vérifier si le requérant sollicite ce visa à d’autres fins que les études. Il relève que l’étudiant possède déjà un diplôme en informatique et une expérience de développeur, ce qui justifie l’orientation vers le management de projets. L’arrêt souligne ainsi que « le parcours universitaire ainsi que son projet professionnel présentent un caractère sérieux et cohérent » au regard des pièces du dossier. L’existence d’une lettre de recommandation émanant de l’école choisie renforce la crédibilité du projet face aux doutes émis par l’autorité compétente lors de l’instruction. Cette analyse concrète des motivations individuelles permet d’écarter les présomptions trop générales souvent opposées par l’administration lors de l’examen des demandes de titres.
B. La sanction de l’erreur manifeste d’appréciation sur le motif du détournement de l’objet du visa
L’autorité administrative dispose d’un large pouvoir pour rejeter une demande mais elle doit toutefois éviter de commettre une erreur manifeste dans son appréciation souveraine. La juridiction d’appel considère ici que les motifs sérieux et objectifs censés établir un détournement de procédure font défaut malgré l’interruption passée du cursus scolaire. Elle précise ainsi que « la commission de recours a entaché d’erreur manifeste d’appréciation son refus de délivrer le visa sollicité » en ignorant la pertinence du projet. Le juge administratif rappelle que l’absence d’équivalence entre les formations en distanciel et le master présentiel choisi constitue un élément déterminant de la décision rendue. Cette protection juridictionnelle garantit le respect de la directive européenne du 11 mai 2016 qui encadre strictement les conditions d’entrée des ressortissants de pays tiers.
II. Les limites de la substitution de motifs face à la preuve de ressources suffisantes
A. Le contrôle rigoureux de l’aptitude de l’administration à modifier le fondement légal de sa décision
Pour maintenir la légalité de son acte, l’administration a tenté d’introduire devant le juge un nouveau motif tiré de l’insuffisance des ressources financières du demandeur. Cette technique contentieuse permet à l’autorité publique de régulariser a posteriori une décision dont le fondement initial s’avère fragile ou entaché d’une illégalité manifeste. Le juge accepte d’examiner ce nouveau motif sous réserve qu’il soit fondé sur la situation existant à la date de la décision initiale illégalement prise. Il doit alors « rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision » avant de procéder à la substitution de motifs demandée par l’Etat. Cette procédure ne doit cependant pas priver le requérant d’une garantie fondamentale liée à l’examen initial de son dossier par la commission de recours administrative.
B. La consécration de la solvabilité du demandeur par le soutien financier d’un tiers
L’appréciation des ressources financières s’appuie sur des éléments matériels précis, notamment le versement partiel des frais de scolarité et l’engagement ferme d’un garant résident. La Cour observe que le demandeur s’est acquitté d’une somme importante représentant un quart du coût total de son année d’études en grande école parisienne. Elle relève également qu’une parente, dont les revenus annuels sont élevés, s’est engagée à l’héberger et à lui verser chaque mois une allocation financière régulière. Par conséquent, « l’administration n’est pas fondée à soutenir que les ressources du demandeur de visa seraient insuffisantes » compte tenu de la solidarité familiale démontrée en l’espèce. L’annulation de la décision de refus entraîne nécessairement l’injonction faite à l’autorité ministérielle de délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois.