Cour d’appel administrative de Nantes, le 24 juin 2025, n°24NT01352

La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 24 juin 2025, une décision relative à la reconnaissance de l’imputabilité au service d’une pathologie psychique. Une rédactrice territoriale, affectée à une direction de l’urbanisme, a été placée en congé de maladie pour un état anxio-dépressif sévère. Elle a sollicité de son employeur public la reconnaissance du lien entre sa pathologie et l’exercice de ses fonctions administratives courantes. Après deux refus opposés par l’autorité territoriale, la requérante a saisi le tribunal administratif de Nantes qui a rejeté ses demandes d’annulation. Un appel a été interjeté afin de contester tant la régularité de la procédure suivie que le bien-fondé de l’appréciation du lien causal. La question posée aux juges d’appel consistait à déterminer si la dégradation des conditions de travail caractérisait un lien direct et essentiel avec la maladie. La juridiction d’appel annule le jugement de première instance ainsi que les arrêtés de refus litigieux en retenant l’existence d’une erreur d’appréciation manifeste. L’examen de cette décision conduit à analyser la régularité des garanties procédurales offertes à l’agent (I), avant d’étudier les critères d’établissement de l’imputabilité au service (II).

I. La régularité des garanties procédurales lors de la phase consultative

A. La validité formelle de l’acte et de l’avis rendu

L’acte administratif doit être motivé pour permettre à l’agent de comprendre les raisons exactes du refus opposé à sa demande initiale. Le juge considère que la mention d’une absence de lien causal établi entre la pathologie et les fonctions exercées constitue une motivation suffisante. Cette solution protège le secret médical tout en éclairant la base légale de la décision prise par l’autorité administrative territoriale compétente. L’avis de la commission de réforme, même partagé à égalité de voix, est réputé rendu et doit comporter une motivation claire et concise. La régularité de la procédure consultative repose également sur la composition de l’instance et la présence effective d’une expertise technique adéquate.

B. L’absence de médecin spécialiste et la préservation des droits

L’absence d’un médecin spécialiste au sein de la commission de réforme n’entache pas la procédure d’irrégularité si des rapports spécialisés sont produits. Le juge souligne que « la garantie qui résulte de ces dispositions constitue pour l’agent le fait que la commission soit éclairée par un spécialiste ». Dès lors que l’instance dispose d’expertises psychiatriques récentes, l’intéressé n’est pas regardé comme ayant été effectivement privé d’une garantie procédurale. Cette approche pragmatique assure la célérité de l’instruction sans compromettre la qualité de l’examen technique des dossiers médicaux complexes. Après avoir validé la régularité formelle de la procédure, il convient d’analyser le raisonnement du juge concernant le fond du droit.

II. La consécration de l’imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif

A. La caractérisation du lien direct et essentiel avec le service

Une maladie est imputable au service si elle présente un lien direct avec les conditions de travail de nature à favoriser son développement progressif. La cour relève une augmentation importante de la charge de travail consécutive à l’évolution de la réglementation complexe en matière d’urbanisme. L’absence d’accompagnement suffisant et les critiques hiérarchiques mal vécues ont contribué à l’altération profonde de l’état de santé psychique de l’agent. Les juges affirment ainsi que « l’état de santé psychique de l’intéressée est en lien direct avec l’exercice de ses fonctions » administratives. Cette reconnaissance du lien de causalité impose toutefois de vérifier l’absence de facteurs personnels susceptibles de détacher la pathologie du service.

B. L’éviction des circonstances particulières détachables du service

L’imputabilité peut être écartée si un fait personnel de l’agent ou une pathologie antérieure expliquent la survenance du dommage psychique constaté. En l’espèce, les expertises médicales convergent pour écarter tout antécédent psychiatrique notable avant la dégradation brutale des relations de travail. La personnalité de l’agent n’a pas été jugée déterminante puisque le malaise ressenti restait strictement « cantonné au domaine professionnel » selon les rapports. La cour conclut que l’administration a commis une erreur d’appréciation en refusant de reconnaître le lien entre le service et l’affection.

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Hassan KOHEN
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