La Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 25 avril 2025, se prononce sur la légalité d’une mesure d’éloignement assortie d’une interdiction de retour. Un ressortissant étranger conteste un arrêté lui imposant de quitter le territoire sans délai et lui interdisant tout retour pendant cinq années. L’intéressé, présent depuis cinq ans, invoque notamment son concubinage récent avec une citoyenne française pour faire obstacle à son éviction du territoire national.
Après le rejet de sa demande par le tribunal administratif de Rennes le 4 décembre 2024, le requérant soutient en appel l’irrégularité formelle du jugement. Il excipe également du défaut de motivation de l’acte administratif et d’une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée.
La juridiction d’appel doit déterminer si l’absence de signature sur l’ampliation notifiée entache la régularité du jugement rendu en première instance. Elle examine par ailleurs si le refus de délai de départ et la durée maximale de l’interdiction de retour sont juridiquement fondés. La solution retenue par les juges nantais confirme la primauté de la signature de la minute sur la validité des copies notifiées aux parties. L’examen de la régularité du jugement et de la motivation de l’acte administratif précède ainsi l’appréciation souveraine de la proportionnalité de l’interdiction de retour.
I. La confirmation de la régularité formelle et de la base légale de l’éloignement
A. L’indifférence de l’absence de signature sur l’ampliation du jugement
Le requérant critiquait la régularité de la décision juridictionnelle au motif que l’exemplaire reçu ne comportait pas les signatures manuscrites exigées par les textes. La Cour administrative d’appel de Nantes écarte ce moyen en opérant une distinction classique entre la minute et son ampliation destinée aux parties. Elle précise que « la minute du jugement attaqué comporte les signatures prévues à l’article R. 741-7 du code de justice administrative ». Cette solution assure la sécurité juridique sans faire peser sur l’administration judiciaire une contrainte de signature systématique de toutes les copies conformes. « La circonstance que l’ampliation du jugement qui a été notifiée (…) ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement ». La preuve de la validité de l’acte réside exclusivement dans l’instrumentum original conservé au greffe de la juridiction après le prononcé public de la décision.
B. Le caractère suffisant de la motivation et de l’examen de la situation personnelle
Cette régularité procédurale du jugement s’accompagne d’un contrôle rigoureux de l’obligation de motivation pesant sur l’administration lors de l’édiction de l’arrêté contesté. L’autorité administrative est tenue de motiver ses décisions portant obligation de quitter le territoire français conformément aux dispositions législatives en vigueur. Les magistrats considèrent que l’arrêté énumère avec précision les circonstances de fait et de droit ayant conduit à l’éviction de l’intéressé du sol français. La décision mentionne expressément le rejet définitif de la demande d’asile ainsi que l’expiration des documents d’identité et de séjour du ressortissant étranger. Le juge souligne qu’il ne ressort pas des pièces que « cette décision aurait été prise sans vérification préalable du droit au séjour du requérant ». L’examen particulier de la situation est ainsi validé, car l’autorité n’est pas obligée d’énoncer exhaustivement tous les éléments caractérisant la vie personnelle de l’étranger.
II. La proportionnalité de la mesure d’éloignement et de l’interdiction de retour
A. Une ingérence limitée dans la vie privée et familiale au regard de la précarité du séjour
La validation de la régularité externe de l’arrêté permet désormais d’interroger le bien-fondé matériel de l’éloignement et de l’interdiction de retour sur le territoire. L’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme protège le droit de mener une vie familiale normale sous réserve de proportionnalité. Le requérant invoquait son installation récente avec une partenaire française et sa présence ininterrompue de cinq années sur le territoire national pour obtenir l’annulation. La Cour relève néanmoins que cette durée de présence s’explique par le temps d’instruction de la demande d’asile et par le maintien irrégulier. « Ce concubinage présente un caractère très récent à la date de la décision contestée », ayant débuté seulement deux mois avant l’arrêté de l’administration. L’absence d’enfants à charge et l’existence d’attaches familiales dans le pays d’origine privent l’argumentation de toute force suffisante pour caractériser une atteinte excessive. La mesure d’éloignement ne méconnaît donc pas les stipulations conventionnelles malgré les quelques actions bénévoles réalisées par l’intéressé durant son séjour en France.
B. La validation d’une interdiction de retour de durée maximale pour inexécution des mesures antérieures
L’absence d’atteinte disproportionnée à la vie privée justifie la mesure d’éloignement mais n’épuise pas la question de la durée de l’interdiction de retour. L’autorité administrative peut assortir une obligation de quitter le territoire d’une interdiction de retour dont la durée est fixée selon des critères légaux précis. En l’espèce, l’administration avait prononcé une interdiction pour une durée de cinq ans, correspondant au plafond prévu par le code de l’entrée et du séjour. Le juge d’appel valide cette sévérité en s’appuyant sur la circonstance que « l’intéressé n’a pas exécuté deux précédentes mesures d’éloignement édictées en 2020 et 2023 ». Cette réitération de la soustraction aux ordres administratifs justifie légalement l’application de la durée maximale prévue pour les étrangers sans menace grave. L’absence de condamnation pénale ou de menace actuelle à l’ordre public n’interdit pas de fixer un délai d’interdiction de retour de cinq ans. La Cour confirme ainsi que le refus de quitter volontairement le territoire constitue un motif déterminant pour l’appréciation de la durée de l’interdiction.