Cour d’appel administrative de Nantes, le 27 juin 2025, n°24NT00967

La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 27 juin 2025, un arrêt relatif à la responsabilité d’un établissement public de santé. Suite à une chute sur son lieu de travail, un patient a subi plusieurs interventions chirurgicales dont l’échec a révélé une mauvaise appréciation initiale des clichés radiologiques. Le tribunal administratif de Caen a condamné l’établissement à indemniser la victime et la caisse de sécurité sociale par un jugement du 2 février 2024. Le requérant a interjeté appel pour obtenir une revalorisation des indemnités, tandis que le centre hospitalier a sollicité son exonération totale ou partielle. La juridiction d’appel devait déterminer si l’omission par le patient d’un état antérieur constituait une faute exonératoire et comment ventiler les préjudices. La cour confirme la faute exclusive de l’hôpital tout en réévaluant les préjudices, ce qui impose d’aborder la caractérisation de la faute avant l’évaluation des dommages.

I. La caractérisation d’une faute médicale exclusive de toute faute de la victime

A. L’erreur de diagnostic et de prise en charge chirurgicale

La cour relève que les examens initiaux montraient un fragment dont les bords étaient émoussés, témoignant ainsi de l’existence d’une fracture ancienne. L’expert souligne que le patient n’avait pas bénéficié d’une « prise en charge attentive » au regard des examens radiographiques et scanographiques disponibles. Le chirurgien a ignoré « l’anatomie locale très atypique » découverte lors de l’opération, ce qui a directement entraîné des complications chirurgicales répétées. Cette faute technique engage la responsabilité pleine et entière de l’administration hospitalière sans que le caractère fautif de l’acte ne soit sérieusement contesté. Les juges confirment ainsi que la prise en charge initiale était inappropriée au regard des données acquises de la science médicale.

B. L’inopposabilité de l’omission de la victime sur son état antérieur

L’établissement public invoquait une faute de la victime au motif qu’elle n’avait pas signalé spontanément ses lésions anciennes de l’épaule droite. Les juges nantais écartent cet argument en soulignant que les praticiens disposaient, dès l’admission, de tous les éléments nécessaires au diagnostic. La cour juge que « l’omission ne peut être regardée comme ayant contribué à la réalisation du dommage » dès lors que les examens étaient explicites. La responsabilité du centre hospitalier n’est donc pas atténuée par le comportement du patient, malgré l’existence avérée d’une pathologie préexistante. La reconnaissance d’une faute exclusive de l’administration hospitalière impose dès lors une analyse précise des postes de préjudice en lien avec cette prise en charge.

II. L’évaluation rigoureuse des préjudices entre état antérieur et incidence professionnelle

A. La prise en compte de l’état antérieur dans le calcul de l’incapacité

Si l’état antérieur ne constitue pas une faute, il doit néanmoins être déduit de l’évaluation globale du dommage corporel final. La juridiction retient que le requérant présentait une pathologie initiale à l’origine d’un déficit fonctionnel permanent évalué à cinq pour cent. Le montant de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent est porté à vingt mille euros après déduction de la part non imputable à l’hôpital. La cour opère ainsi une distinction classique entre la lésion nouvelle imputable à la faute et le handicap préexistant à l’accident. Cette méthode assure une juste réparation sans pour autant faire peser sur l’établissement des séquelles totalement étrangères à son intervention.

B. La réparation de l’incidence professionnelle et le rôle de la rente de sécurité sociale

La décision précise l’articulation entre l’indemnisation par l’employeur et la responsabilité de l’hôpital en cas d’accident du travail. Les juges considèrent que « l’inaptitude de l’intéressé à son poste est imputable à la faute du centre hospitalier à concurrence de deux tiers ». La part personnelle de l’incidence professionnelle est fixée à trois mille euros pour tenir compte de l’augmentation de la pénibilité de l’activité. Enfin, la rente accident du travail perçue par la victime fait obstacle à une double indemnisation des pertes de gains professionnels futurs. Le montant global alloué au requérant est ainsi porté à trente-trois mille trois cent quarante euros par la juridiction d’appel.

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Hassan KOHEN
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