Cour d’appel administrative de Nantes, le 28 avril 2025, n°25NT00970

Le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Nantes a rendu une ordonnance le 28 avril 2025 concernant la suspension d’ordres de recouvrer. Ce litige porte sur le remboursement d’aides agricoles perçues indûment entre 2011 et 2015 par une société civile d’exploitation agricole désormais dissoute. Le requérant, en sa qualité d’ancien associé, conteste cinq titres de perception émis par l’autorité administrative pour un montant total dépassant cinquante mille euros. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande initiale le 15 janvier 2025, ce qui a conduit l’intéressé à saisir la juridiction d’appel. Le juge des référés devait apprécier si les moyens soulevés créaient un doute sérieux sur la légalité des décisions prises par l’établissement public. Le demandeur invoquait notamment la prescription des créances, l’absence de procédure contradictoire et une motivation insuffisante des actes administratifs contestés devant la cour. L’administration concluait au rejet de la requête en soulignant l’absence d’urgence ainsi que le caractère infondé des critiques dirigées contre les titres de perception. Le magistrat a rejeté la demande en estimant que les moyens n’étaient pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité. Le commentaire portera d’abord sur la rigueur de l’examen du doute sérieux avant d’envisager les conséquences de cette décision sur l’exécution des titres.

**I. L’appréciation rigoureuse du doute sérieux relatif à la légalité des titres de perception**

**A. Le rejet des moyens de légalité externe et interne**

Le juge des référés écarte les arguments du requérant en affirmant que « les moyens invoqués par le requérant ne sont pas susceptibles de faire naitre un doute sérieux ». Cette formulation marque une validation provisoire de la procédure suivie par l’agence nationale pour recouvrer les aides communautaires litigieuses versées par le passé. Le requérant contestait pourtant la régularité de la procédure contradictoire en invoquant les dispositions générales du code des relations entre le public et l’administration. Il soulevait également un moyen relatif à la motivation insuffisante des titres en s’appuyant sur les dispositions règlementaires relatives à la comptabilité publique nationale. En refusant de reconnaître un doute sérieux, le juge estime que les éléments fournis ne permettent pas de remettre en cause la régularité formelle. La décision suggère que les notes techniques de liquidation annexées aux ordres de recouvrer étaient suffisantes pour informer le débiteur de l’origine de sa dette.

**B. La confirmation de l’obligation de remboursement des aides indûment perçues**

Le litige portait sur la récupération d’aides indûment versées à une société civile dont le requérant était l’associé et le liquidateur désigné officiellement. Ce dernier soutenait que le délai de prescription de l’action administrative était expiré en application du règlement européen relatif à la protection des intérêts financiers. Le juge des référés rejette implicitement cette argumentation en ne retenant aucun doute sérieux sur le bien-fondé du recouvrement exercé contre l’ancien associé. Cette position renforce l’efficacité de la procédure de recouvrement des fonds publics européens même après la dissolution et la radiation de la société bénéficiaire. L’ordonnance valide la possibilité pour l’administration de poursuivre les associés pour les dettes sociales nées avant la disparition de la personnalité morale de l’entreprise. Cette solution garantit la protection des deniers publics face aux structures sociétaires visant à éluder le remboursement de subventions agricoles perçues sans droit.

**II. L’inefficacité de la protection juridictionnelle d’urgence face aux actes pécuniaires**

**A. La dispense d’examen de la condition tenant à l’urgence**

L’ordonnance précise qu’il n’est pas nécessaire d’examiner « la condition tenant à l’urgence » dès lors que le doute sérieux n’est pas établi par le requérant. Le juge des référés applique ici strictement le caractère cumulatif des conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative français. Le requérant faisait pourtant état d’une situation financière difficile en mentionnant un revenu mensuel résiduel inférieur à mille euros après paiement des charges courantes. Cette approche procédurale permet au juge de clore l’instance rapidement « sans qu’il soit besoin ni d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense ». Elle souligne que l’urgence, même si elle est avérée, reste impuissante à justifier une suspension si la légalité de l’acte n’est pas sérieuse. Le rejet des conclusions fondées sur l’urgence confirme la primauté de l’examen de la légalité dans le cadre du référé-suspension dirigé contre des titres.

**B. Le maintien du caractère exécutoire des titres de perception contestés**

En rejetant la demande de suspension, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Nantes laisse subsister les effets des ordres de recouvrer. Cette décision oblige le requérant à s’acquitter des sommes réclamées sans attendre l’issue du jugement au fond rendu par la juridiction d’appel saisie. L’ordonnance rappelle que les dispositions relatives aux frais d’instance ne permettent pas d’en faire bénéficier la partie perdante dans le cadre du procès. Le refus de suspendre l’exécution des titres illustre la difficulté pour les exploitants agricoles d’obtenir un sursis au paiement de dettes publiques importantes. La portée de cette décision réside dans la confirmation du pouvoir souverain d’appréciation du juge des référés concernant le caractère sérieux des moyens. Le requérant demeure ainsi tenu par une dette globale dépassant cinquante mille euros malgré les difficultés psychologiques et financières alléguées lors de l’audience.

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Hassan KOHEN
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