Par un arrêt en date du 28 mars 2025, la cour administrative d’appel de Nantes s’est prononcée sur la légalité du refus de délivrance d’un certificat de résidence à un ressortissant algérien, assorti d’une obligation de quitter le territoire français. L’intéressé, entré en France de manière irrégulière en 2021, avait sollicité son admission au séjour en se prévalant de ses liens personnels et familiaux, notamment un pacte civil de solidarité conclu avec une ressortissante française et la présence de ses deux frères en situation régulière sur le territoire.
La demande fut initialement rejetée par une décision préfectorale en date du 13 avril 2023, laquelle fut confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nantes le 18 juillet 2024. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, contestant la régularité du jugement de première instance ainsi que le bien-fondé de la décision administrative. Il soutenait que le refus de séjour portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti tant par l’accord franco-algérien que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La question soumise à la cour était donc de déterminer si l’intensité et la stabilité des liens personnels et familiaux du requérant en France étaient suffisantes pour que le refus de l’administration de régulariser sa situation constitue une ingérence excessive dans son droit au respect de la vie privée et familiale.
La cour administrative d’appel de Nantes rejette la requête, confirmant l’analyse des premiers juges et de l’administration. Elle estime que les éléments produits ne permettent pas d’établir la réalité et l’ancienneté d’une communauté de vie effective avec sa partenaire, ni l’intensité des liens avec sa fratrie. Par conséquent, la décision de refus de séjour n’est pas jugée disproportionnée. Cette solution conduit la cour à examiner de manière rigoureuse les conditions d’appréciation du droit au séjour (I), justifiant ainsi la légalité de la mesure d’éloignement qui en découle (II).
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I. L’appréciation rigoureuse des conditions d’admission au séjour
La cour administrative d’appel fonde sa décision sur une analyse méticuleuse des faits de l’espèce, en appliquant de manière stricte les critères légaux et conventionnels. Elle confirme ainsi la méthode d’évaluation de l’administration quant aux liens personnels et familiaux (A) et procède à une interprétation restrictive des stipulations applicables (B).
A. L’évaluation concrète de l’intensité des liens personnels et familiaux
Le juge administratif exerce un contrôle sur la matérialité des faits présentés par le requérant pour justifier sa demande de titre de séjour. En l’espèce, la cour ne se contente pas de la simple existence d’un pacte civil de solidarité ou de la présence de membres de la famille en France. Elle recherche des preuves tangibles de l’effectivité et de la stabilité des relations alléguées. L’arrêt précise que « cette relation présente un caractère récent à la date de la décision contestée et les quelques documents administratifs, attestations pour la plupart peu circonstanciées et photographies non datées ne démontrent pas l’ancienneté, la réalité et l’intensité de la communauté de vie depuis juillet 2021 ».
Cette approche factuelle et exigeante illustre que la seule formalisation d’une union ne suffit pas à caractériser un lien justifiant une protection au titre de la vie privée et familiale. De même, concernant les liens fraternels, la cour écarte les attestations jugées « peu précises », signifiant que la simple co-présence sur le territoire national ne constitue pas en soi un lien familial suffisamment fort pour faire obstacle à une mesure d’éloignement. Le juge exige la démonstration d’une relation effective et continue, que le requérant n’a pas su apporter.
B. L’interprétation stricte des garanties conventionnelles
La décision commentée s’inscrit dans le cadre de l’article 6, alinéa 5, de l’accord franco-algérien, qui prévoit la délivrance d’un certificat de résidence lorsque le refus de séjour porterait une « atteinte disproportionnée » au droit au respect de la vie privée et familiale. La cour effectue une mise en balance des intérêts en présence. D’une part, les liens du requérant en France, jugés ténus et récents, et d’autre part, son parcours et ses attaches dans son pays d’origine. L’arrêt relève à cet égard que « le requérant n’établit pas être dépourvu d’attaches personnelles en Algérie, où il a vécu jusqu’à l’âge de vingt-sept ans et où résident sa mère et sa sœur ».
Cette motivation révèle que l’analyse de la proportionnalité ne se limite pas à la situation en France. Elle intègre la réalité des attaches conservées dans le pays d’origine, lesquelles viennent contrebalancer la portée des liens développés sur le territoire français. En concluant à l’absence de méconnaissance de l’accord franco-algérien et, « pour les mêmes motifs », de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la cour confirme que le seuil de l’atteinte disproportionnée n’est atteint qu’en présence de liens en France d’une densité et d’une ancienneté exceptionnelles, surtout lorsque le séjour a été de courte durée et initié dans l’irrégularité.
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II. La validation conséquente de la mesure d’éloignement
Le rejet des moyens dirigés contre le refus de certificat de résidence entraîne mécaniquement la validation des décisions subséquentes. La cour confirme ainsi l’effet domino qui lie l’obligation de quitter le territoire au refus de séjour (A), tout en réaffirmant le périmètre limité du contrôle juridictionnel en la matière (B).
A. Le caractère accessoire de l’obligation de quitter le territoire
L’obligation de quitter le territoire français est la conséquence directe du refus d’octroyer un titre de séjour à un étranger qui ne dispose plus du droit de se maintenir sur le territoire. La cour rappelle ce principe en écartant les moyens dirigés contre cette mesure. Elle juge notamment que « la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l’annulation de la décision portant refus de certificat de résidence doit être écarté ».
Ce raisonnement illustre la logique du contentieux des étrangers : la légalité de l’obligation d’éloignement est conditionnée par celle du refus de séjour. Une fois ce dernier validé, les vices propres dont pourrait être entachée la mesure d’éloignement sont examinés, mais l’argument principal tiré de l’illégalité par voie d’exception est neutralisé. De surcroît, la cour rappelle que la motivation de l’obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de séjour, conformément à l’article L. 613-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce qui simplifie l’obligation de motivation pesant sur l’administration.
B. La portée du contrôle sur l’absence de saisine de la commission du titre de séjour
Le requérant invoquait également l’absence de consultation de la commission du titre de séjour, prévue par l’article L. 432-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette commission doit être saisie lorsque l’administration envisage de refuser un titre de séjour à un étranger qui « en remplit effectivement les conditions de délivrance ». La cour rejette ce moyen en des termes clairs, en se fondant sur l’analyse précédemment menée.
Elle énonce en effet que « le préfet n’était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour dès lors que M. A… ne remplit pas les conditions de la délivrance de plein droit du certificat de résidence sollicité ». Cette solution est logique : la saisine de la commission n’est une garantie procédurale substantielle que pour l’étranger qui entre dans le champ d’application de la délivrance de plein droit du titre. Le juge ayant conclu que le requérant ne remplissait pas les conditions de fond, notamment l’existence d’une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, l’obligation de saisine de la commission devenait sans objet. L’arrêt confirme ainsi que cette garantie ne peut être invoquée que si les conditions de fond sont, au moins en apparence, réunies.