Cour d’appel administrative de Nantes, le 3 juin 2025, n°24NT00318

La Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 3 juin 2025, apporte des précisions sur le régime de responsabilité pour l’amiante. Un ancien mécanicien naval ayant servi durant plusieurs années demande la réparation d’un préjudice moral d’anxiété et de troubles dans ses conditions d’existence. Le tribunal administratif de Rennes a accueilli partiellement sa demande le 5 décembre 2023 en condamnant l’administration à verser une somme indemnitaire. La personne publique sollicite l’annulation de ce jugement en contestant la réalité de l’exposition aux poussières nocives effectivement subie par l’agent. Le requérant demande pour sa part une réévaluation à la hausse des indemnités allouées lors de la première instance juridictionnelle. Le litige porte sur la qualification du risque élevé de pathologie grave nécessaire pour engager la responsabilité de la puissance publique. La cour décide d’annuler la condamnation en raison de l’absence d’éléments circonstanciés établissant une exposition durable ou massive. L’étude du cadre juridique de l’indemnisation précédera l’analyse de l’appréciation des faits opérée par les juges d’appel.

**I. L’encadrement juridique strict du droit à réparation du préjudice d’anxiété**

**A. L’exigence fondamentale d’un risque élevé de pathologie grave**

Le juge administratif rappelle d’abord que la personne cherchant la responsabilité de son employeur public doit établir une « exposition effective aux poussières d’amiante ». Cette situation doit être « susceptible de l’exposer à un risque élevé de développer une pathologie grave » pour ouvrir droit à une réparation. L’indemnisation du préjudice d’anxiété ne nécessite pas la preuve de troubles psychologiques dès lors que la probabilité de réalisation du risque est établie. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante protégeant la sérénité des travailleurs exposés à des agents cancérogènes durant leur carrière professionnelle. La conscience de voir son espérance de vie diminuée constitue en elle-même un préjudice certain si le danger est suffisamment caractérisé par des éléments matériels.

**B. Les critères spécifiques d’exposition liés à la spécificité des marins**

La décision souligne la particularité des marins qui exercent leurs fonctions dans un « espace clos et confiné comportant des matériaux composés d’amiante ». Le préjudice est reconnu pour ceux vivant de nuit comme de jour dans ces locaux sans pouvoir « échapper au risque de respirer » des poussières. Le juge impose toutefois la preuve d’une « durée significativement longue » passée dans cet environnement pour justifier l’existence d’une inquiétude légitime. Cette exigence temporelle permet de distinguer l’exposition fortuite du risque réel découlant de l’état des matériaux ou des conditions de ventilation. Le droit administratif limite ainsi les recours abusifs en exigeant des éléments personnels et circonstanciés pour chaque agent demandeur. Le cadre général de cette responsabilité administrative ayant été posé, il convient d’observer comment la cour l’applique rigoureusement aux faits.

**II. L’appréciation restrictive de la réalité du risque d’exposition**

**A. La neutralisation du risque lors des interventions techniques directes**

L’arrêt écarte l’indemnisation au titre des interventions techniques réalisées par le requérant sur des équipements susceptibles de provoquer l’émission de fibres. Les juges relèvent que l’intéressé était « muni de masques FFP3, de tenues type Tyvek, de bleus et de gants » lors de ses missions. Ces protections individuelles sont jugées suffisantes pour prévenir l’inhalation de quantités importantes de poussières issues des matériaux manipulés durant ces journées. La cour précise que les préconisations techniques de sécurité ne suffisent pas à démontrer une carence fautive si le risque immédiat est contenu. L’absence de preuve contraire concernant la mise à disposition effective de ces matériels conduit au rejet de la demande sur ce fondement.

**B. L’absence d’exposition environnementale significative durant la vie à bord**

La juridiction administrative constate enfin que la période de navigation effective du militaire s’est limitée à une durée totale peu élevée sur plusieurs années. Le diagnostic réalisé à bord des navires mentionnait un « calorifugeage contenant de l’amiante en bon état de conservation » ne présentant pas de danger immédiat. Les mesures d’empoussièrement atmosphérique révélaient des concentrations très faibles, inférieures aux seuils d’alerte habituels pour la santé des personnels présents. Par conséquent, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il a exercé ses fonctions dans des conditions ne permettant pas d’éviter l’inhalation. Cette approche pragmatique confirme que le préjudice d’anxiété demeure subordonné à la démonstration rigoureuse d’un danger matériellement établi par l’instruction.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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