Cour d’appel administrative de Nantes, le 4 avril 2025, n°24NT01144

Par un arrêt en date du 4 avril 2025, la cour administrative d’appel de Nantes a clarifié la situation d’un agent stagiaire de la fonction publique hospitalière à l’issue de ses droits à congé de maladie. En l’espèce, une aide-soignante stagiaire, recrutée en 2010, a été placée en congés de maladie successifs pendant plusieurs années, avant d’être déclarée en inaptitude définitive et absolue à ses fonctions par un médecin agréé, avis suivi par la commission de réforme. À l’expiration de ses droits à congé, l’établissement employeur a mis fin à son stage et l’a radiée de ses effectifs.

La requérante a saisi le tribunal administratif de Nantes pour obtenir l’annulation de cette décision, mais sa demande a été rejetée par un jugement du 15 février 2024. Elle a interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment que son inaptitude ne concernait qu’un seul des sites de l’établissement et que l’employeur aurait dû rechercher une solution de reclassement avant de la licencier. Se posait alors la question de savoir si un agent stagiaire de la fonction publique, déclaré physiquement inapte à l’exercice de ses fonctions, bénéficie d’un droit à reclassement avant la fin de sa période probatoire.

La cour administrative d’appel répond par la négative, considérant que le principe général du droit au reclassement ne s’applique pas aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire. Cette décision confirme l’absence d’obligation de reclassement pour l’agent stagiaire (I), tout en validant la régularité de la procédure de licenciement menée par l’administration (II).

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I. L’affirmation de l’absence d’obligation de reclassement de l’agent stagiaire

La cour rappelle avec fermeté la spécificité du statut de l’agent stagiaire, ce qui la conduit à écarter l’application d’un principe général du droit normalement protecteur (A), consolidant ainsi une jurisprudence constante qui distingue la période de stage de la titularisation (B).

A. Le rejet d’un principe général du droit au bénéfice des agents stagiaires

La requérante invoquait l’obligation pour son employeur de chercher à la reclasser avant de prononcer son licenciement. Cette obligation, reconnue comme un principe général du droit, s’impose à tout employeur public à l’égard d’un fonctionnaire devenu définitivement inapte à ses fonctions. La cour administrative d’appel prend soin de rappeler l’existence de ce principe, en précisant qu’il s’inspire « tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires ».

Toutefois, elle en refuse catégoriquement l’application à l’espèce. Le juge fonde son raisonnement sur la nature même de la situation de l’agent stagiaire. Celui-ci est dans une « situation d’accès à l’emploi probatoire et provisoire », ce qui le distingue fondamentalement du fonctionnaire titulaire. Cette période de stage est destinée à vérifier l’aptitude de l’agent à exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté. L’inaptitude physique définitive constatée durant cette période fait donc obstacle à la finalité même du stage, qui est d’aboutir à une titularisation dans un emploi déterminé.

B. La consolidation d’une solution classique distinguant stage et titularisation

En adoptant cette position, la cour ne fait pas œuvre d’innovation mais s’inscrit dans le sillage d’une jurisprudence bien établie. La distinction entre le fonctionnaire titulaire, qui détient un grade et a vocation à occuper les emplois correspondants, et l’agent stagiaire, qui n’est qu’en voie d’accéder à ce statut, est cardinale en droit de la fonction publique. Le droit au reclassement est l’une des garanties attachées au statut de fonctionnaire, au même titre que le droit à la carrière ou la protection contre le licenciement, sauf pour faute ou insuffisance professionnelle.

Étendre cette obligation de reclassement au stagiaire reviendrait à lui conférer un droit quasi-automatique à l’intégration dans la fonction publique, alors même qu’il n’a pas encore prouvé son aptitude à y servir. La solution retenue est donc logique et cohérente avec l’économie générale du statut. Elle préserve la nature probatoire du stage et évite de créer une charge disproportionnée pour l’administration, qui devrait alors trouver un emploi compatible pour un agent qui n’a pas encore été admis de manière définitive à son service.

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II. La validation d’une procédure de licenciement jugée régulière

Au-delà de la question de principe du reclassement, la cour examine et écarte les différents moyens d’illégalité soulevés par la requérante. Elle fait preuve d’une appréciation pragmatique des vices de procédure allégués (A) et confirme la correcte appréciation par l’administration de l’étendue de l’inaptitude de l’agent (B).

A. La neutralisation des vices de procédure sans incidence sur la décision

L’appelante soutenait que la procédure était irrégulière, notamment parce que la commission de réforme avait été consultée avant l’épuisement de ses droits à congé. La cour reconnaît l’existence de cette anomalie temporelle mais juge qu’elle est restée « sans incidence sur la régularité de la procédure ». Pour parvenir à cette conclusion, elle relève que l’agent « n’établit, ni même n’allègue, qu’elle aurait été apte à la reprise de ses fonctions » entre la date de l’avis et la fin de ses droits.

Cette approche, inspirée de la théorie des vices de procédure non substantiels, témoigne d’un pragmatisme certain. Le juge administratif refuse d’annuler une décision pour une irrégularité qui n’a eu aucune conséquence concrète pour l’administré et n’a pas vicié le sens de la décision finale. De même, les autres moyens soulevés, notamment une prétendue erreur de fait concernant une procédure pour insuffisance professionnelle, sont rapidement qualifiés d’inopérants, car ils ne sont pas pertinents pour juger de la légalité de la décision de licenciement pour inaptitude physique.

B. L’appréciation de l’étendue de l’inaptitude physique de l’agent

Un autre argument de la requérante portait sur la portée de son inaptitude, qu’elle estimait limitée à un seul des trois sites de l’établissement fusionné. La cour rejette cette lecture en se fondant sur une analyse des pièces du dossier. Elle constate qu’il « ressort des pièces du dossier et, en particulier des deux avis successifs […] du médecin psychiatre agréé et de l’avis de la commission de réforme […] que [l’agent] est inapte de manière définitive et absolue à l’exercice de ses fonctions d’aide-soignante dans les trois sites ».

Cette motivation montre que l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, dispose d’une marge d’appréciation pour interpréter les avis médicaux et déterminer la portée de l’inaptitude. En l’absence d’éléments contradictoires ou d’une erreur manifeste, l’avis des experts médicaux et de la commission de réforme constitue une base suffisante pour fonder la décision de l’employeur. La cour confirme ainsi que l’inaptitude de l’agent n’était pas relative à un lieu de travail mais bien à ses fonctions, justifiant la décision de mettre fin à son stage au sein de l’ensemble de la nouvelle structure hospitalière.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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