La cour administrative d’appel de Nantes, dans son arrêt du 21 mars 2025, précise les conditions d’application des mesures d’éloignement face à une demande d’asile. Une ressortissante étrangère est entrée sur le territoire français avant d’être interpellée par les services de gendarmerie quelques jours plus tard. Lors de son audition, elle a manifesté son intention de solliciter l’asile dès la semaine suivante pour régulariser sa situation administrative. L’autorité préfectorale a néanmoins pris un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour pour un an.
Saisi d’un recours en annulation, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande par un jugement rendu le 30 mai 2024. L’intéressée a interjeté appel devant la juridiction supérieure en soutenant que son intention de demander l’asile faisait obstacle à toute mesure d’éloignement. La question posée consiste à déterminer si la simple déclaration d’intention formulée lors d’une interpellation suffit à paralyser le prononcé d’une obligation de quitter le territoire.
La cour administrative d’appel de Nantes infirme le jugement de première instance et annule l’arrêté litigieux en raison d’une erreur de droit manifeste. L’examen de cette décision permet d’étudier la protection du droit d’asile dès la manifestation de l’intention (I) avant d’analyser l’encadrement des compétences préfectorales (II).
I. La protection du droit d’asile dès la manifestation de l’intention
A. Le caractère non équivoque de la volonté exprimée
La juridiction administrative souligne d’abord l’importance de la déclaration faite par la requérante lors de son audition par les services de gendarmerie. Les juges relèvent que l’intéressée avait affirmé son intention d’effectuer ses démarches dès la semaine suivante lors de son interrogatoire initial. Elle a déclaré précisément : « Je viens tout juste d’arriver en France, je n’ai pas encore eu le temps d’effectuer mes démarches. Dès la semaine prochaine, je vais effectuer ma demande d’asile ». Cette manifestation de volonté est qualifiée par la cour de « claire et non équivoque » au regard des circonstances de l’espèce. La clarté de cette manifestation de volonté entraîne des conséquences directes sur la validité juridique de la mesure d’éloignement. L’examen de cette opposabilité permet de comprendre le raisonnement suivi par les juges d’appel.
B. L’opposabilité de l’intention à l’autorité préfectorale
L’arrêt précise que les dispositions législatives font « nécessairement obstacle à ce que l’autorité administrative prenne une mesure d’éloignement » après une telle déclaration. L’autorité préfectorale ne peut ignorer la volonté de solliciter la protection internationale même si l’étranger ne s’est pas présenté spontanément aux autorités. La solution retenue consacre ainsi la primauté de la procédure d’asile sur la célérité de la police des étrangers. La reconnaissance de ce droit au maintien provisoire impose corrélativement un cadre rigoureux à l’action de l’administration lors de la mise en œuvre d’un éloignement.
II. L’encadrement des compétences préfectorales par le droit au séjour
A. L’obligation de transmission pesant sur les services de police
La cour s’appuie sur une lecture combinée des articles L. 521-1 et R. 521-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Ces textes obligent les autorités de police à orienter l’étranger vers l’autorité compétente dès que celui-ci exprime le souhait de demander l’asile. Le manquement à cette obligation de transmission et d’orientation constitue une erreur de droit entachant la légalité de la décision d’éloignement contestée. Cette obligation de transmission assure la cohérence du droit des étrangers en empêchant l’exécution prématurée d’une mesure privative de liberté.
B. La garantie procédurale contre l’immédiateté de l’éloignement
Cette décision renforce l’effectivité du droit d’asile en empêchant l’administration de court-circuiter la procédure par l’édiction immédiate d’une mesure de contrainte. La protection s’applique dès lors qu’aucun cas d’exclusion légalement prévu ne vient limiter le droit au maintien sur le territoire français. La portée de cet arrêt réside dans l’obligation de réexamen imposée au préfet pour garantir le plein exercice des droits fondamentaux. Ainsi, le juge administratif veille au respect scrupuleux des garanties individuelles face aux impératifs de contrôle des flux migratoires.