La cour administrative d’appel de Nantes a rendu le 4 février 2025 une décision relative au régime fiscal des plus-values sur cessions de droits sociaux. Les requérants sollicitaient la décharge de cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu à la suite d’un apport de titres réalisé durant l’année 2012. Un contrat fut signé en septembre 2012 mais prévoyait une condition suspensive liée à l’enregistrement de l’opération au registre du commerce et des sociétés. Le tribunal administratif de Rennes rejeta la demande initiale par un jugement du 14 avril 2021 avant que le Conseil d’État ne renvoie l’affaire. Le litige repose sur la date d’effet du transfert de propriété des titres et l’incidence de la dissolution de la société sur le report d’imposition. La juridiction estime que la vente ne devient définitive qu’à la réalisation de la condition suspensive, soumettant l’opération au régime restrictif du report d’imposition. La détermination de la date de réalisation de l’apport précède l’analyse des conditions de maintien du report d’imposition.
I. La détermination temporelle de la réalisation de l’apport
A. La prévalence de la réalisation de la condition suspensive
La juridiction rappelle que le transfert de propriété s’opère normalement à la date où un accord intervient entre les parties sur la chose et le prix. Toutefois, les dispositions contractuelles contraires permettent de différer ce transfert jusqu’à l’accomplissement d’une formalité spécifique librement choisie par les signataires de l’acte d’apport. En l’espèce, les stipulations contractuelles subordonnaient expressément le caractère définitif de l’opération à l’enregistrement et à la modification de l’extrait au registre du commerce. La cour administrative d’appel de Nantes considère que « la vente n’est devenue définitive que le 28 novembre 2012 » et que le transfert de propriété n’était pas antérieur. Cette interprétation écarte la qualification de condition purement potestative au profit d’une véritable condition suspensive s’imposant à l’administration fiscale comme aux contribuables. Cette fixation temporelle de l’opération conditionne l’application du régime de report dont les modalités d’application doivent être précisées par le juge administratif.
B. La soumission obligatoire au régime du report d’imposition
Le choix du régime fiscal applicable dépend directement de la date à laquelle l’opération d’apport de titres est juridiquement considérée comme étant définitivement réalisée. Le sursis d’imposition prévu par le code général des impôts ne s’applique qu’aux opérations de transfert de propriété effectuées avant le 13 novembre 2012. Puisque l’apport est devenu définitif postérieurement à cette échéance législative, l’administration fiscale a pu légitimement substituer le régime du report à celui du sursis. Les requérants ne peuvent donc prétendre au bénéfice de l’ancien dispositif malgré un accord sur la chose et le prix intervenu en septembre précédent. Cette transition juridique impose aux contribuables des obligations déclaratives annuelles ainsi que des conditions de maintien du report d’imposition beaucoup plus contraignantes. Au-delà de la qualification chronologique de l’apport, la pérennité de l’avantage fiscal dépend de la continuité de l’existence juridique de la société dont les titres furent apportés.
II. L’extinction du report d’imposition par la disparition de la société
A. La dissolution sociale comme événement mettant fin au report
Le maintien du report d’imposition est subordonné à la conservation des titres ou au respect de conditions strictes de réinvestissement en cas de cession onéreuse. La cour administrative d’appel de Nantes précise que la dissolution d’une société « entraîne l’annulation de ses titres et ainsi la fin du report de l’imposition ». Le fait générateur de l’impôt est donc constitué par la clôture des opérations de liquidation intervenant au cours de l’année civile au titre de l’imposition. L’annulation ultérieure de la dissolution par une juridiction commerciale n’a aucune incidence rétroactive sur la validité de l’imposition précédemment établie par l’administration fiscale. Cette solution confirme la rigueur d’un mécanisme liant la survie de l’avantage fiscal à l’existence juridique continue de l’entité ayant reçu les titres. Si l’annulation des titres met fin de plein droit au report, le contribuable peut toutefois tenter de justifier d’un réinvestissement économique suffisant pour maintenir son avantage.
B. L’inefficacité d’un réinvestissement économique partiel ou tardif
La loi autorise la prolongation du report si la société bénéficiaire de l’apport réinvestit au moins la moitié du produit de la cession des titres réalisée. La cour relève que le produit de cession doit être déterminé en retenant la valeur du boni de liquidation de la société dont les titres furent apportés. En l’occurrence, le montant réinvesti dans de nouvelles activités économiques représentait seulement environ dix pour cent du produit global de la cession des parts sociales. Le seuil légal de cinquante pour cent n’étant pas atteint, le contribuable ne peut se prévaloir d’un maintien exceptionnel du report d’imposition initialement accordé. Les arguments relatifs à la conformité constitutionnelle ou au droit de l’Union européenne sont écartés faute de remplir les conditions de forme requises par les textes.