Cour d’appel administrative de Nantes, le 4 février 2025, n°24NT00913

La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 4 février 2025, une décision importante relative à l’assiette de la taxe sur les salaires. Un établissement hospitalier sollicitait la restitution de droits acquittés entre 2018 et 2020 pour ses agents placés en position de congé de maladie. Le tribunal administratif de Caen avait précédemment rejeté sa demande tendant à la réduction de ces impositions par un jugement du 26 janvier 2024. Devant les juges d’appel, l’établissement demandeur invoquait la nature de revenus de remplacement des sommes versées pour contester leur assujettissement à la taxe. Le ministre de l’économie concluait au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués par l’appelant n’étaient pas fondés en droit. La question posée consistait à déterminer si le maintien du traitement d’un fonctionnaire hospitalier malade constitue une prestation de sécurité sociale exclue de l’imposition. La juridiction rejette la requête en considérant que ces versements constituent des avantages statutaires ayant le caractère d’une rémunération imposable pour l’employeur public. L’analyse portera sur la qualification juridique du traitement maintenu avant d’examiner la validité du régime fiscal appliqué à l’espèce.

I. La qualification juridique du maintien de traitement comme rémunération taxable

A. L’assimilation du traitement maintenu à une rémunération statutaire

La Cour fonde son raisonnement sur la nature spécifique des droits garantis aux fonctionnaires hospitaliers par leur statut général lors d’un arrêt. Elle précise que « le maintien d’un plein ou d’un demi-traitement au fonctionnaire malade » constitue un avantage statutaire relevant de la rémunération. Cette qualification écarte l’idée d’une simple compensation financière liée à l’absence de service effectif durant la période de maladie de l’agent. Les juges soulignent que ces sommes conservent le caractère d’une rémunération au sens de l’article 231 du code général des impôts applicable. L’absence de travail accompli ne suffit pas à transformer cette prestation en un revenu de remplacement totalement exonéré de la taxe sur les salaires. La solution confirme ainsi la soumission de ces versements à l’imposition de droit commun prévue pour les traitements payés par l’employeur.

B. L’exclusion de la qualification de prestation de sécurité sociale

Les juges distinguent précisément les avantages statutaires des indemnités versées pour le compte des organismes de sécurité sociale par l’établissement public de santé. L’arrêt précise que le maintien de traitement n’est pas « une prestation de sécurité sociale versée par l’employeur » pour un tiers. Cette distinction repose sur l’origine de l’obligation pesant directement sur l’établissement hospitalier employeur en vertu de la loi du 9 janvier 1986. La Cour écarte l’application des dispositions du décret du 11 janvier 1960 relatives au régime spécial de sécurité sociale pour les agents permanents. Les sommes litigieuses ne sont pas assimilables aux prestations en espèces versées uniquement en cas d’épuisement total des droits statutaires à rémunération. L’établissement ne peut donc pas se prévaloir de l’exception législative prévue pour les prestations sociales versées par l’entremise de l’employeur.

II. La cohérence du régime fiscal face aux revendications d’égalité

A. Le rejet d’une analogie avec les revenus de remplacement du secteur privé

L’établissement invoquait une rupture d’égalité avec les entreprises privées bénéficiant d’exonérations pour les indemnités journalières de sécurité sociale versées à leurs salariés. La Cour juge que le centre hospitalier « n’est pas fondé à se prévaloir de la rupture d’égalité » invoquée dans ses écritures d’appel. Les différences de régimes juridiques entre les salariés du droit privé et les agents publics justifient pleinement cette distinction opérée sur le plan fiscal. Le maintien du salaire dans la fonction publique procède d’un engagement statutaire propre à l’administration employeuse et non d’une prestation de substitution. La situation des fonctionnaires n’est pas identique à celle des salariés percevant des revenus de remplacement versés par des caisses de sécurité sociale. Cette hétérogénéité des situations juridiques autorise le législateur à prévoir des modalités d’imposition distinctes pour ces deux catégories de personnels.

B. L’interprétation stricte de l’assiette de la taxe sur les salaires

La juridiction rappelle que l’assiette de la taxe sur les salaires est devenue identique à celle de la contribution sociale généralisée depuis 2013. Cette évolution législative visait à simplifier les obligations déclaratives des employeurs tout en sécurisant les recettes fiscales globales de l’État en la matière. La Cour refuse néanmoins d’étendre les exonérations doctrinales en l’absence de procédure de rehaussement engagée par les services de l’administration fiscale. Elle note que l’imposition a été « établie sur la base de ses déclarations » par l’établissement hospitalier lui-même au titre des années concernées. Cette rigueur procédurale limite la portée des arguments tirés de la documentation administrative ou des réponses ministérielles publiées au Journal officiel. La solution finale valide la perception de l’impôt sur la totalité des traitements maintenus durant les périodes de congés de maladie.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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