Un établissement de santé privé a fait l’objet d’une procédure de contrôle externe de la tarification à l’activité menée par une agence régionale de santé. Ce contrôle, portant sur une période d’une année, a révélé des anomalies dans le codage de certains séjours, conduisant à des facturations jugées irrégulières. En conséquence, le directeur général de l’agence a notifié à l’établissement son intention de prononcer une sanction financière. Après avis d’une commission de contrôle, une sanction d’un montant de 201 154,50 euros a été infligée à l’établissement. Celui-ci a saisi le tribunal administratif compétent d’une demande d’annulation de cette décision. Par un jugement du 7 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande. L’établissement de santé a alors interjeté appel de ce jugement, contestant tant la régularité de la procédure de contrôle que le bien-fondé de la sanction. Il soutenait notamment une méconnaissance du principe du contradictoire lors de la phase de contrôle, une insuffisance de motivation de la décision de sanction, ainsi que des erreurs d’appréciation quant à la matérialité des manquements et au caractère disproportionné de la sanction. La question de droit soumise à la cour administrative d’appel portait donc sur l’étendue du contrôle exercé par le juge administratif sur la légalité, tant externe qu’interne, d’une sanction financière infligée à un établissement de santé en raison d’anomalies de codage de son activité. Par l’arrêt commenté, la cour administrative d’appel rejette la requête de l’établissement, confirmant ainsi la validité de la sanction. Elle estime que la procédure de contrôle a été menée de manière régulière et que la décision de sanction est suffisamment motivée. Sur le fond, elle juge que l’établissement n’apporte pas la preuve d’erreurs d’appréciation de la part de l’administration et confirme le caractère réitéré des manquements, justifiant le montant de la sanction.
La décision de la cour administrative d’appel illustre une application rigoureuse des règles encadrant les procédures de contrôle et de sanction en matière de tarification à l’activité, confirmant la légalité de la procédure suivie par l’agence régionale de santé (I). Elle témoigne également d’un contrôle approfondi sur le bien-fondé de la sanction, validant l’appréciation des manquements et leur caractère réitéré (II).
I. La validation par le juge du contrôle de la régularité de la procédure de sanction
La cour écarte les moyens de légalité externe soulevés par l’établissement requérant en validant d’une part la phase contradictoire du contrôle (A) et d’autre part la régularité formelle de l’acte de sanction (B).
A. Le rejet des moyens tirés des vices de la phase de contrôle contradictoire
L’établissement de santé soutenait que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté, arguant d’une application insuffisante d’un guide méthodologique et d’une discussion lacunaire des dossiers litigieux. La cour rappelle d’abord que ce guide, bien qu’édité par une autorité technique après concertation, est « dépourvu de tout caractère normatif ». Ce faisant, elle refuse de contrôler le respect de recommandations qui ne constituent pas des règles de droit opposables à l’administration. Le juge se concentre ensuite sur les garanties procédurales prévues par les textes, notamment le code de la sécurité sociale. Il constate que des échanges ont bien eu lieu entre les médecins contrôleurs et le médecin responsable de l’information médicale de l’établissement, même si ces échanges ont été qualifiés de difficiles et décevants par l’appelant. Le juge en déduit que l’existence de « désaccords persistants » n’équivaut pas à une absence de débat contradictoire.
De plus, face à l’allégation selon laquelle certaines fiches auraient été signées par une infirmière et non un médecin, la cour procède à une analyse concrète de l’impact de cette irrégularité. Elle relève qu’« aucun manquement n’a été relevé sur le dossier OGC correspondant », concluant que l’irrégularité invoquée est « restée sans incidence sur la décision de sanction et son montant ». Cette approche pragmatique, qui écarte un grief dès lors qu’il n’a causé aucun préjudice à l’administré, démontre la volonté du juge de ne pas annuler une procédure pour des vices purement formels et sans conséquence.
B. La confirmation de la régularité formelle de l’acte de sanction
L’appelant contestait également la régularité formelle du rapport de contrôle, qui n’aurait pas été daté par le médecin organisateur, ainsi que la motivation de la décision de sanction elle-même. Sur le premier point, la cour juge que l’absence de date sur le rapport n’est pas une formalité prescrite « à peine de nullité de la procédure ». Elle ajoute que cette omission, en l’espèce, n’a « exercé une influence sur le sens de la décision de sanction litigieuse ou privé l’hôpital d’une garantie ». Le juge administratif se refuse ainsi à sanctionner une omission formelle qui n’a pas vicié la procédure ni porté atteinte aux droits de la défense.
Concernant la motivation de la sanction, la cour vérifie si la décision permet à l’établissement de comprendre les considérations de fait et de droit qui la fondent. Elle relève que l’acte attaqué mentionne les dispositions applicables, rappelle la chronologie de la procédure et reprend le sens et la motivation de l’avis de la commission de contrôle. Surtout, elle note que la décision était « accompagné de plusieurs tableaux récapitulatifs » détaillant les séjours contrôlés, les manquements constatés et les éléments de calcul de la sanction. La motivation par référence à ces documents annexés est jugée suffisante, même en l’absence de communication préalable de l’avis de la commission, dès lors que son contenu était retranscrit dans la décision finale.
II. La confirmation par le juge du bien-fondé de la sanction pécuniaire
Après avoir validé la procédure, la cour examine les critiques de l’établissement sur le fond, portant sur la matérialité des erreurs de codage (A) et sur le caractère proportionné de la sanction (B).
A. L’appréciation souveraine des manquements techniques au codage
L’établissement requérant contestait l’analyse technique de l’agence régionale de santé, notamment sur le codage des soins palliatifs et de la dénutrition, et affirmait que ses propres codages étaient conformes. La cour opère ici un contrôle de l’erreur d’appréciation, mais en module l’intensité au regard de la technicité du débat et de la charge de la preuve. Elle reproche à l’appelant une « argumentation générale » qui « n’est donc pas assortie des précisions suffisantes permettant de démontrer que l’administration aurait commis les erreurs alléguées ». Le juge attend de l’établissement qu’il fournisse des éléments concrets, tels que des extraits de dossiers médicaux anonymisés, pour étayer sa contestation.
Face aux attestations produites par le médecin de l’établissement, la cour procède à une analyse détaillée. Elle écarte les dossiers qui ne sont plus en litige et juge, pour les autres, que les explications fournies « ne suffisent pas pour remettre en cause le bien-fondé des positions prises par l’administration à l’issue de contrôles effectués et validés par des médecins ». Cette démarche montre que si le juge ne substitue pas son appréciation technique à celle de l’administration, il exige de l’administré qui conteste une telle appréciation qu’il apporte des preuves précises et circonstanciées pour renverser la présomption de légalité qui s’attache à la décision.
B. La caractérisation du caractère réitéré des manquements justifiant le quantum de la sanction
Enfin, la cour se prononce sur le caractère proportionné de la sanction, critère essentiel fixé par l’article R. 162-35-4 du code de la sécurité sociale. La proportionnalité est notamment appréciée au regard de la gravité et du caractère réitéré des manquements. L’établissement soutenait que les fautes n’étaient pas réitérées. La cour rejette cet argument en se fondant sur les éléments produits par l’agence régionale de santé, qui démontraient l’existence de plusieurs contrôles antérieurs en 2010, 2012 et 2015 ayant déjà mis en évidence et sanctionné des anomalies de même nature.
La cour prend soin de citer l’avis de la commission de contrôle qui relevait que « les taux d’anomalies étaient en augmentation au regard d’un précédent contrôle ». Cette constatation factuelle permet d’établir sans équivoque le caractère réitéré des manquements. En conséquence, la cour conclut que l’établissement « n’est pas fondé à soutenir que les manquements ayant fondé la sanction attaquée ne présenteraient pas de caractère réitéré ». Le montant de la sanction, fixé à 75 % du maximum encouru, est ainsi jugé non disproportionné. La sanction n’est plus seulement punitive, elle revêt un caractère incitatif visant à corriger durablement les pratiques de l’établissement.