La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 4 juillet 2025, un arrêt précisant les règles de compétence juridictionnelle en matière d’éloignement des étrangers. Un ressortissant syrien, bénéficiaire de la protection subsidiaire depuis l’enfance, a vu son statut révoqué pour des motifs liés à une radicalisation religieuse. L’autorité administrative a par la suite ordonné le retrait de son titre de séjour ainsi qu’une assignation à résidence pour une durée semestrielle. La juridiction administrative de premier ressort de Rennes a rejeté son recours par un jugement rendu par un magistrat désigné statuant seul sur l’ensemble des conclusions. Le requérant a contesté cette décision en appel en invoquant l’irrégularité de la procédure et la violation de ses droits fondamentaux par le préfet. Le litige interrogeait la capacité d’un juge unique à statuer sur une mesure de surveillance dont la durée dépasse les délais de droit commun. La cour annule le jugement initial pour incompétence du juge unique avant de confirmer la légalité des mesures d’éloignement fondées sur l’ordre public.
I. L’irrégularité du jugement pour incompétence du magistrat désigné
A. La distinction selon la durée de l’assignation à résidence
L’article R. 776-15 du code de justice administrative réserve au magistrat désigné le jugement des recours contre les mesures d’éloignement assorties d’une assignation à résidence. Cependant, la cour souligne que cette compétence dérogatoire est strictement limitée par la durée effective de la mesure de surveillance imposée à l’intéressé. « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il désigne, est compétent pour se prononcer sur la légalité des décisions d’assignation à résidence » de courte durée. En revanche, une mesure prise sur le fondement de l’article L. 731-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers relève exclusivement d’une formation collégiale. Cette distinction repose sur la durée maximale de six mois prévue pour ces décisions qui accompagnent parfois une obligation de quitter le territoire français.
B. L’annulation nécessaire et l’exercice du pouvoir d’évocation
L’assignation litigieuse ayant été fixée pour une période de six mois, le magistrat désigné de la juridiction de premier ressort ne pouvait pas statuer seul. L’irrégularité de la composition de la formation de jugement entraîne l’annulation de la décision contestée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés. La juridiction d’appel choisit alors de faire usage de son pouvoir d’évocation pour se prononcer directement sur la demande initiale déposée par le requérant. Cette démarche garantit une bonne administration de la justice tout en permettant un examen rapide des griefs dirigés contre les différents arrêtés préfectoraux. Les juges d’appel se reconnaissent ainsi pleinement compétents pour apprécier la validité du retrait de séjour et de la mesure d’éloignement sur le fond.
II. La validité de l’éloignement justifiée par la menace terroriste
A. La caractérisation d’une menace grave pour la sécurité publique
Le retrait du titre de séjour repose sur l’existence d’une menace grave pour l’ordre public dont la réalité est souverainement appréciée par les juges. Les services de renseignement ont fait état d’une apologie du terrorisme et de contacts fréquents avec des membres actifs de la mouvance islamiste radicale. « L’intéressé se borne uniquement à nier la matérialité des faits ainsi recueillis » sans produire d’élément sérieux pour contester les observations de l’administration. La cour estime que l’adhésion personnelle à la cause djihadiste constitue un motif suffisant pour justifier le retrait de la protection et du séjour. L’absence de condamnation pénale ne fait pas obstacle à la mise en œuvre d’une mesure de police administrative visant à assurer la sécurité nationale.
B. Le contrôle de proportionnalité face aux droits fondamentaux
Le juge administratif vérifie si l’atteinte portée à la vie privée ne présente pas un caractère disproportionné par rapport aux objectifs de sécurité poursuivis. Malgré une présence prolongée sur le territoire et l’obtention de diplômes professionnels, l’intégration du requérant demeure relativisée par la dangerosité de son comportement. « L’intéressé ne peut justifier d’une intégration particulièrement significative ou remarquable » de nature à faire obstacle à son éloignement définitif du territoire national. Concernant le risque de subir des traitements inhumains en cas de retour, les allégations générales ne suffisent pas à caractériser un risque actuel. L’application de la protection internationale suppose des éléments personnels probants qui font ici défaut pour empêcher l’exécution de la mesure d’éloignement.