La Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 6 juin 2025, précise les modalités d’indemnisation des préjudices nés d’une faute chirurgicale. Une patiente subit, en août 2011, la pose d’une prothèse totale du genou gauche au sein d’un centre hospitalier régional universitaire. Les suites opératoires sont marquées par des douleurs chroniques persistantes jusqu’à la découverte, trois ans plus tard, du surdimensionnement manifeste des implants par rapport à sa morphologie. La victime saisit la juridiction administrative afin d’obtenir la réparation intégrale des troubles subis entre l’intervention initiale et la date de sa consolidation. Le tribunal administratif de Rennes, par un jugement du 14 novembre 2023, condamne l’établissement hospitalier à verser diverses sommes tout en rejetant l’incidence professionnelle. L’appelante sollicite une revalorisation conséquente de ses indemnités, tandis que le centre hospitalier forme un appel incident pour contester le montant de plusieurs postes. La question posée au juge d’appel porte sur les critères d’évaluation des préjudices temporaires et permanents résultant spécifiquement d’une erreur de choix de matériel prothétique. La Cour révise à la hausse l’indemnisation des souffrances et de l’assistance temporaire, tout en consacrant une indemnité propre au titre de l’aide à la parentalité. L’analyse de cette décision suppose d’examiner le raffinement de la réparation des troubles temporaires avant d’étudier l’adaptation de l’indemnisation aux besoins de la vie permanente.
**I. Le raffinement de la réparation des préjudices temporaires**
**A. La détermination rigoureuse de l’assistance par une tierce personne**
La juridiction administrative d’appel confirme la nécessité d’une aide humaine durant les périodes de déficit fonctionnel liées à l’impotence douloureuse du genou. Le juge souligne que « ce besoin est évalué par les deux experts désignés par le tribunal administratif » à une heure quotidienne pour certaines périodes. La Cour opère cependant une distinction essentielle entre les troubles imputables à la faute médicale et les suites normales d’une telle intervention chirurgicale. Il convient ainsi de « déduire de ces durées les périodes de déficits fonctionnels temporaires habituels inhérents à la pose d’une prothèse totale de genou adaptée ». Cette méthode permet d’isoler le dommage directement causé par le surdimensionnement de l’implant chirurgical initialement posé par le praticien de l’hôpital. Le calcul définitif intègre un taux horaire revalorisé et prend en compte les congés payés ainsi que les jours fériés pour la victime. Cette approche garantit une indemnisation précise des besoins en assistance humaine sans pour autant réparer les désagréments inévitables liés à la pathologie initiale.
**B. La réévaluation significative des souffrances et de l’esthétique**
Le juge d’appel procède à une appréciation souveraine de l’intensité des douleurs physiques et morales endurées par la requérante durant son long parcours de soins. L’arrêt relève que les souffrances nées de la pose d’une « prothèse trop grande pour sa morphologie » doivent être justement évaluées à 4,5 sur 7. Le magistrat décide alors de porter l’indemnité allouée par les premiers juges de dix mille à quatorze mille euros pour ce chef de préjudice spécifique. Concernant le préjudice esthétique temporaire, la Cour valide l’estimation des experts fixant ce trouble à 1,5 sur une échelle de 1 à 7. Elle considère que le tribunal administratif en a fait une « équitable appréciation » en allouant une somme de mille euros pour l’altération de l’apparence physique. Ces ajustements indemnitaires traduisent la volonté de la juridiction de coller au plus près de la réalité des préjudices subis par la patiente. Une fois la réparation des troubles temporaires ainsi consolidée, le juge se prononce sur les conséquences durables de la faute hospitalière sur la vie quotidienne.
**II. L’adaptation de l’indemnisation aux besoins de la vie permanente**
**A. La reconnaissance autonome du besoin d’aide à la parentalité**
L’apport notable de la décision réside dans l’identification d’un préjudice distinct lié aux difficultés rencontrées par la mère pour s’occuper de son jeune enfant. La Cour constate que la limitation fonctionnelle douloureuse du genou est de nature à « l’empêcher de s’occuper de son enfant né le 22 avril 2022 ». Ce besoin d’assistance est reconnu comme « distinct du besoin d’aide dont a personnellement besoin » la victime pour ses propres actes de la vie courante. Le juge alloue une somme forfaitaire de 6 776 euros couvrant les trois premières années de vie de l’enfant de la requérante. Cette consécration jurisprudentielle permet de compenser l’impossibilité physique d’assumer pleinement les soins et l’accompagnement requis par l’éducation d’un enfant en bas âge. Elle témoigne d’une prise en compte concrète des répercussions de l’état de santé sur la sphère familiale et les responsabilités parentales de la victime.
**B. La modulation des rentes et le rejet de l’incidence professionnelle**
Le magistrat définit enfin les modalités de l’assistance permanente sous la forme d’une rente annuelle dont le montant est révisé à la baisse. La Cour déduit les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap pour ne pas excéder la réparation intégrale du dommage. L’arrêt fixe la rente à 307 euros par an, laquelle sera « revalorisable annuellement » jusqu’à la réalisation future d’une opération de reprise totale de la prothèse. En revanche, le juge rejette fermement la demande d’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle formulée par l’appelante dans ses écritures. Il estime que le changement d’orientation professionnelle vers le métier d’assistante sociale est « dépourvu de lien avec le surdimensionnement de sa prothèse ». La preuve n’est pas rapportée que la profession initialement envisagée aurait imposé des contraintes physiques plus importantes que l’activité sédentaire actuellement exercée. Cette décision confirme ainsi que seuls les préjudices présentant un lien de causalité direct et certain avec la faute médicale peuvent être indemnisés.