Cour d’appel administrative de Nantes, le 6 juin 2025, n°24NT03663

La cour administrative d’appel de Nantes, par une décision du 6 juin 2025, rejette le recours formé contre un jugement du tribunal administratif de Caen. Une ressortissante étrangère conteste le refus de titre de séjour opposé par le représentant de l’État après trois ans d’activité dans un organisme solidaire. La requérante soutient que l’autorité administrative a commis une erreur de droit en exigeant des conditions familiales ou professionnelles non prévues par la loi. Elle invoque également une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations conventionnelles. La juridiction doit déterminer si le rejet d’une demande d’admission exceptionnelle au séjour peut légalement se fonder sur l’absence de promesses d’embauche futures. La cour confirme la légalité de l’arrêté en soulignant le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration pour évaluer les perspectives réelles d’intégration du demandeur.

I. L’encadrement du pouvoir discrétionnaire de l’administration

A. L’appréciation globale de la situation de l’étranger

L’article L. 435-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers régit l’admission exceptionnelle au séjour des personnes accueillies par des organismes solidaires. La cour administrative d’appel de Nantes rappelle que le préfet doit d’abord vérifier le respect de la condition de durée d’activité ininterrompue. Elle précise qu’il revient ensuite à l’autorité administrative de « porter une appréciation globale sur la situation de l’intéressé » lors de l’examen de la demande. Ce contrôle porte notamment sur le « caractère réel et sérieux de cette activité » ainsi que sur les chances de réussite de l’insertion sociale. Les juges confirment ici le « large pouvoir dont il dispose » pour accorder ou refuser le titre de séjour sollicité par le ressortissant. L’administration ne se limite pas à un constat technique mais exerce une véritable faculté d’opportunité au regard des éléments du dossier individuel.

B. L’absence d’erreur de droit dans l’analyse administrative

La requérante prétendait que l’administration avait ajouté des conditions illégales en examinant sa situation familiale et ses perspectives de recrutement par un employeur. La juridiction d’appel rejette cette argumentation en distinguant les conditions de recevabilité des éléments factuels servant de base à la décision de refus. L’absence d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche peut être « légalement retenue comme un élément de fait par le préfet » sans faute juridique. L’autorité administrative peut ainsi prendre en compte le parcours migratoire et l’existence d’obligations de quitter le territoire restées inexécutées par le passé. Cette démarche ne constitue pas une modification des critères légaux mais participe à la définition cohérente des perspectives d’intégration du demandeur. Le juge administratif valide cette méthode d’analyse qui permet d’évaluer la stabilité de l’insertion professionnelle envisagée par l’étranger à l’issue de son accueil.

II. La rigueur de l’examen des perspectives d’intégration

A. L’insuffisance des garanties professionnelles futures

L’activité bénévole ou solidaire au sein d’une association ne suffit pas, à elle seule, à garantir l’obtention d’un titre de séjour permanent. La cour reconnaît le sérieux de l’investissement de la requérante qui a travaillé comme agente de tri et de vente pendant plusieurs années consécutives. Toutefois, elle note que l’intéressée ne dispose d’aucun diplôme ni de promesse d’embauche concrète lui permettant d’occuper un emploi à court terme. Les besoins de main-d’œuvre identifiés dans certains secteurs géographiques ne permettent pas de pallier l’absence de qualifications spécifiques ou de garanties contractuelles solides. Les juges estiment donc que la démonstration des « perspectives d’intégration » au sens des dispositions législatives demeure insuffisante pour justifier une régularisation exceptionnelle. Cette appréciation stricte souligne l’exigence de viabilité économique du projet de vie présenté par l’étranger souhaitant se maintenir durablement sur le territoire.

B. Le maintien de l’équilibre de la vie privée et familiale

La légalité du refus de séjour s’apprécie également au regard du droit au respect de la vie privée garanti par la convention européenne de sauvegarde. La requérante invoquait la présence de ses trois enfants étudiants en France et l’absence d’attaches familiales significatives dans son pays d’origine. La cour relève pourtant que son conjoint réside toujours à l’étranger et que les enfants n’ont pas vocation à rester après leurs études. Les magistrats considèrent que l’arrêté préfectoral n’a pas « porté une atteinte disproportionnée » aux intérêts personnels de l’intéressée compte tenu de ces circonstances factuelles. L’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an est également validée puisque les liens peuvent se maintenir par d’autres moyens. La solution retenue illustre la prépondérance des objectifs de maîtrise des flux migratoires sur des situations familiales jugées insuffisamment ancrées dans la société française.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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