Le juge des référés de la cour administrative d’appel de Nantes a rendu une ordonnance le 6 juin 2025. Un ressortissant étranger est entré en France en 2018 et a bénéficié d’une prise en charge par les services sociaux. L’intéressé a obtenu un titre de séjour temporaire pour un contrat d’apprentissage au sein d’une société de restauration. Il a sollicité le renouvellement de ce titre mais l’administration a clôturé sa demande pour insuffisance de pièces justificatives. Un nouvel employeur a ultérieurement formulé une demande d’autorisation de travail tandis que l’administré sollicitait à nouveau son titre. Des récépissés autorisant l’exercice d’une activité professionnelle lui ont été délivrés pour couvrir la période allant jusqu’en juillet 2024. Par un arrêté du 18 juin 2024, l’autorité préfectorale a rejeté sa demande, l’a obligé à quitter le territoire et a prononcé une interdiction de retour.
Le tribunal administratif a annulé l’interdiction de retour le 26 mars 2025 mais a maintenu le refus de séjour et l’éloignement. Le requérant a saisi le juge des référés d’appel pour obtenir la suspension de l’exécution de ces décisions défavorables. Il soutient que la perte de son emploi et l’absence de ressources financières caractérisent une situation d’urgence manifeste. Le magistrat doit déterminer si l’exécution de l’acte porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation de l’intéressé. Le juge des référés rejette la requête en considérant que la condition d’urgence n’est pas remplie dans les circonstances de l’espèce.
**I. L’objectivation de la condition d’urgence par le juge des référés**
Le juge rappelle d’abord que l’urgence justifie la suspension d’un acte portant une atteinte grave et immédiate à un intérêt public ou privé. Cette condition est « en principe, constatée dans le cas d’un refus de renouvellement du titre de séjour ». L’ordonnance confirme ainsi l’existence d’une présomption d’urgence attachée aux décisions préfectorales affectant le droit au maintien sur le territoire national. Cette approche libérale vise à protéger l’administré contre les conséquences difficilement réparables d’une exécution trop rapide de la mesure d’éloignement. La présomption n’est cependant pas absolue et peut être renversée par l’examen des circonstances particulières propres à chaque dossier contentieux.
**A. La mise en œuvre d’une appréciation concrète de la situation**
L’urgence s’apprécie globalement au regard de l’ensemble des éléments produits par les parties durant l’instruction de la demande de référé. Le requérant invoquait une rupture de contrat de travail et une privation de ressources financières pour justifier la suspension sollicitée. Le magistrat relève toutefois qu’une autorisation de travail a été accordée par l’administration pour permettre l’exercice d’une activité professionnelle durable. L’intéressé justifie d’ailleurs avoir repris un emploi rémunéré à plein temps quelques mois après les décisions contestées devant la juridiction. La réalité d’un préjudice économique actuel et insurmontable n’est donc pas démontrée par les pièces versées au dossier de la procédure.
**B. L’incidence des autorisations de travail sur la gravité du préjudice**
La possession de documents provisoires autorisant le travail neutralise l’immédiateté de l’atteinte portée à la situation matérielle de l’étranger. L’ordonnance précise qu’un « récépissé de carte de séjour autorisant à travailler » a été délivré au requérant durant la période litigieuse. Ce document a permis au salarié de conserver un lien légal avec le marché de l’emploi malgré le refus de renouvellement initial. La continuité des droits sociaux et professionnels atténue la rigueur de la décision administrative jusqu’à l’intervention d’un jugement définitif au fond. Le juge des référés refuse donc de consacrer une urgence purement théorique déconnectée des réalités concrètes de l’existence du demandeur.
**II. Les obstacles procéduraux à la suspension de l’exécution**
Le raisonnement juridique s’appuie également sur la chronologie de la procédure contentieuse pour écarter le caractère immédiat du péril invoqué. Le juge souligne que le recours introduit devant le tribunal administratif exerçait un effet suspensif de plein droit sur la mesure d’éloignement. Cette protection législative garantit au requérant le droit de se maintenir légalement sur le territoire pendant toute la durée de l’instance. L’exécution de l’obligation de quitter le territoire français était donc légalement entravée jusqu’à la lecture du jugement rendu en première instance. La suspension juridictionnelle ne saurait alors s’ajouter à une protection déjà assurée par les textes en vigueur lors du litige.
**A. La neutralisation du grief par le caractère suspensif du recours**
L’efficacité du recours contentieux ordinaire rend souvent superflue l’intervention du juge des référés avant le prononcé de la décision de premier ressort. Le magistrat note que « la demande dont l’intéressé a saisi le tribunal avait un effet suspensif jusqu’au jour du prononcé du jugement ». Cette constatation interdit de retenir une atteinte immédiate puisque l’administration ne pouvait pas légalement procéder à l’éloignement d’office de l’administré. Le décalage temporel entre l’arrêté préfectoral et le jugement réduit la force probante de l’urgence invoquée lors de l’appel. La stabilité de la situation administrative durant la phase initiale du procès prive la demande de suspension de son fondement essentiel.
**B. La confirmation du rejet des conclusions accessoires**
L’absence d’urgence entraîne nécessairement le rejet de l’ensemble des demandes formulées par le requérant au titre de la procédure de référé. Le juge estime que les conclusions aux fins de suspension des décisions de refus de séjour et d’éloignement « doivent être rejetées ». Les demandes d’injonction sous astreinte subissent le même sort car elles sont juridiquement dépendantes du succès de la mesure de suspension principale. L’État n’ayant pas la qualité de partie perdante, il n’est pas non plus condamné au versement d’une somme au titre des frais de justice. L’ordonnance maintient ainsi l’équilibre entre la rigueur de la police des étrangers et les garanties procédurales offertes aux administrés.