Cour d’appel administrative de Nantes, le 7 février 2025, n°24NT00838

La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 7 février 2025, une décision relative à la légalité du transfert d’un demandeur d’asile vers la Bulgarie. Un ressortissant étranger a sollicité la protection internationale le 19 octobre 2023 auprès des services préfectoraux. Le préfet a ordonné son transfert aux autorités bulgares par un arrêté du 22 novembre 2023. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d’annulation de cet acte par un jugement du 9 janvier 2024. L’intéressé a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure pour contester la validité de cette procédure. Le litige porte sur l’étendue de l’obligation d’information du demandeur et sur l’existence de défaillances systémiques dans le pays d’accueil. La cour rejette la requête en distinguant les garanties procédurales selon leur finalité et en maintenant une présomption de sécurité pour les États membres. L’examen de cette décision commande d’analyser la portée relative du droit à l’information avant d’étudier la persistance de la présomption de sécurité des États européens.

**I. La portée relative du droit à l’information en matière de données personnelles**

Le juge administratif précise l’articulation entre les différents règlements européens encadrant le traitement des demandes d’asile et les données biométriques.

**A. La distinction entre les obligations d’information des règlements Dublin et Eurodac**

La cour souligne que l’obligation d’information prévue par le règlement Eurodac du 26 juin 2013 diffère par sa nature de celle du règlement Dublin III. Elle juge que cette information a « uniquement pour objet et pour effet de permettre d’assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs ». Par conséquent, le défaut d’information sur l’identité du responsable du traitement des empreintes n’entache pas la légalité de la décision de transfert elle-même. Cette solution limite l’invocabilité des garanties relatives aux données personnelles dans le cadre du contentieux de l’éloignement. Le demandeur ne peut donc pas se prévaloir utilement d’un tel vice pour obtenir l’annulation de son transfert vers un autre État.

**B. La régularité de l’entretien et le respect des garanties linguistiques**

Le droit à l’information résultant de l’article 4 du règlement Dublin III constitue une garantie essentielle devant intervenir en temps utile. En l’espèce, les brochures d’information ont été remises le jour de l’enregistrement de la demande, à l’occasion d’un entretien individuel détaillé. L’administration a utilisé une langue que l’intéressé a déclaré comprendre, conformément aux exigences du code de l’entrée et du séjour des étrangers. La cour relève que le requérant a reconnu avoir compris les informations portées à sa connaissance via le concours d’un interprète professionnel. Cette interprétation stricte des faits permet de valider la procédure suivie par le préfet malgré les contestations tardives de l’appelant. La régularité formelle de la décision étant établie, il convient d’apprécier le bien-fondé du transfert au regard de la situation du pays de destination.

**II. La persistance de la présomption de sécurité des États membres de l’Union européenne**

La décision confirme la difficulté de renverser la présomption de respect des droits fondamentaux par les États parties au régime européen d’asile commun.

**A. L’exigence de preuves concrètes contre la présomption d’absence de défaillances systémiques**

Le juge rappelle que les craintes relatives au défaut de protection dans un État membre « doivent en principe être présumées non fondées ». Seule la démonstration de défaillances systémiques entraînant un risque de traitement inhumain peut faire obstacle au transfert vers l’État responsable. Le requérant invoquait des pratiques de refoulement forcé et des violences policières qu’il prétendait avoir personnellement subies sur le territoire bulgare. Toutefois, la cour estime que les documents produits ne permettent pas d’établir la réalité de ces allégations ou un risque sérieux. La qualité d’État membre de l’Union européenne suffit ici à fonder une présomption de conformité aux standards de protection internationaux.

**B. L’appréciation souveraine du juge sur la vulnérabilité individuelle**

L’application de la clause discrétionnaire prévue par le règlement Dublin III relève d’une marge d’appréciation dont le juge contrôle l’éventuelle erreur manifeste. Les problèmes de santé invoqués par l’appelant n’ont pas été jugés suffisants pour caractériser une « situation de vulnérabilité exceptionnelle » imposant l’instruction en France. La cour considère que la Bulgarie est en mesure de traiter la demande d’asile dans des conditions conformes aux garanties conventionnelles. Le juge refuse ainsi de censurer l’appréciation portée par le préfet sur les conséquences personnelles du transfert pour le ressortissant étranger. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante privilégiant la stabilité du système de détermination de l’État responsable de l’asile.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture