La cour administrative d’appel de Nantes a rendu le 7 mars 2025 une décision relative à l’éloignement d’un étranger bénéficiant de la qualité de réfugié. Un ressortissant d’origine afghane est entré de manière irrégulière sur le territoire national en avril 2015 avant de solliciter le bénéfice de l’asile en 2022. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande en novembre 2022 en raison d’une menace grave pour l’ordre public. Cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d’asile le 25 janvier 2024 tout en maintenant la reconnaissance de la qualité de réfugié. L’autorité préfectorale a alors pris un arrêté le 7 mars 2024 portant obligation de quitter le territoire sans délai et interdiction de retour durant cinq ans. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet acte par un jugement du 20 septembre 2024 au motif d’un examen insuffisant des risques. L’autorité administrative a alors interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Nantes en contestant l’obligation d’examiner d’office les risques dans tous les pays d’admissibilité. Le litige porte sur l’étendue du devoir de l’administration d’apprécier la situation personnelle d’un individu conservant la qualité de réfugié malgré le refus du statut. La juridiction d’appel devait déterminer si l’absence de mention expresse de cette qualité dans l’examen des risques constituait une erreur de droit justifiant l’annulation de l’éloignement. La cour administrative d’appel de Nantes rejette la requête en précisant que l’administration doit procéder à un examen approfondi prenant particulièrement en compte la qualité de réfugié.
I. La détermination de l’étendue de l’obligation d’examen par l’administration
A. Le rejet d’une obligation d’examen systématique des pays d’admissibilité tiers
Le tribunal administratif de Rennes avait initialement annulé l’arrêté contesté en reprochant au préfet de ne pas avoir examiné les risques dans tous les pays d’admissibilité. La cour administrative d’appel de Nantes censure ce raisonnement en soulignant que l’administration n’est pas tenue d’examiner d’office la situation dans des pays tiers sans éléments précis. Les juges d’appel considèrent qu’il n’est pas établi que l’intéressé serait admissible dans un autre État que son pays d’origine selon les pièces versées au dossier. L’autorité préfectorale n’avait pas non plus engagé de démarches concrètes en vue d’un éloignement vers un territoire tiers lors de l’édiction de la mesure de police. Dès lors, le préfet était fondé à soutenir que le premier juge avait imposé une obligation d’examen d’office trop étendue au regard des circonstances de l’espèce. Cette précision jurisprudentielle limite le contrôle de l’administration aux pays de destination réellement envisagés ou pour lesquels des risques sérieux et avérés sont sérieusement invoqués par l’étranger.
B. La permanence de la qualité de réfugié nonobstant le refus du statut
La solution repose sur la distinction fondamentale opérée par le droit européen et national entre le statut de réfugié et la qualité de réfugié elle-même. La cour administrative d’appel de Nantes rappelle que le refus du statut pour motif d’ordre public « ne saurait dès lors avoir une incidence sur la qualité de réfugié ». L’intéressé est réputé avoir conservé cette qualité lorsque l’exclusion ne porte que sur les avantages attachés au statut sans remettre en cause ses craintes de persécutions. Les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doivent ainsi s’interpréter conformément aux objectifs de la directive du 13 décembre 2011. La juridiction souligne que l’État membre doit accorder au réfugié se trouvant sur son territoire le bénéfice des droits fondamentaux consacrés par la convention de Genève. Cette qualité persistante impose une protection contre le refoulement vers un pays où la vie ou la liberté de l’individu serait directement menacée par des traitements.
II. L’intensité du contrôle juridictionnel sur la protection contre le refoulement
A. La nécessité d’un examen approfondi tenant compte de la qualité de réfugié
La reconnaissance de la qualité de réfugié par les autorités de l’asile crée une présomption de risque qui oblige l’autorité administrative à une vigilance particulière lors de l’éloignement. La personne dont le statut est refusé « ne peut être éloignée que si l’administration conclut à l’absence de risque au terme d’un examen approfondi ». Ce contrôle doit prendre particulièrement en compte la qualité reconnue par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour garantir le respect du principe de non-refoulement. La cour administrative d’appel de Nantes se réfère explicitement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pour renforcer cette exigence de motivation renforcée. L’autorité préfectorale ne peut se contenter d’une analyse standardisée de la situation de l’étranger sans intégrer les motifs ayant conduit à la reconnaissance de son besoin de protection. L’examen de la situation personnelle devient ainsi le pivot de la légalité interne de la mesure d’éloignement prise à l’encontre d’un réfugié sans statut légal.
B. La sanction de l’insuffisance caractérisée de la motivation de la mesure d’éloignement
En l’espèce, l’arrêté préfectoral mentionnait uniquement le rejet de la demande d’asile et l’absence de preuves apportées par l’étranger concernant des traitements contraires aux libertés fondamentales. Ces motifs sont jugés insuffisants par la cour car ils ne permettent pas de constater que l’administration a réellement pris en compte la qualité de réfugié. Les juges notent que le préfet s’est borné à constater le sens des décisions de l’asile sans analyser les conséquences de la qualité de réfugié maintenue. Cette omission constitue un défaut d’examen particulier de la situation de l’intéressé qui vicie la légalité de l’acte administratif dès sa conception par l’autorité publique. La cour administrative d’appel de Nantes confirme donc l’annulation de l’arrêté bien qu’elle écarte le motif retenu en première instance par le tribunal administratif de Rennes. Cette décision réaffirme la primauté de la protection internationale effective sur les considérations de police administrative lorsque les droits fondamentaux de l’individu sont directement en cause.