Cour d’appel administrative de Nantes, le 8 juillet 2025, n°24NT00794

La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 8 juillet 2025, une décision relative aux conditions de délivrance du visa de long séjour pour jeune au pair. La juridiction devait déterminer si l’excellence linguistique et des refus de séjour antérieurs caractérisent légalement un risque de détournement de l’objet de la demande de titre. Une ressortissante étrangère a sollicité ce visa pour une année d’accueil au sein d’une famille afin d’y parfaire sa culture et ses liens avec la société d’accueil. L’administration a opposé un refus, confirmé par l’instance de recours, au motif que le motif invoqué ne correspondrait pas à la finalité réelle du séjour envisagé sur le territoire. L’intéressée a saisi le tribunal administratif de Nantes d’une demande d’annulation de l’acte administratif refusant son admission au séjour en qualité de jeune au pair. Le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision le 13 février 2024, provoquant l’appel de l’administration qui soutient l’existence d’un détournement de l’objet du visa. La cour rejette le recours en confirmant l’erreur manifeste d’appréciation commise par l’autorité administrative lors de l’examen des éléments de fait et de droit de l’espèce. L’analyse de cette solution impose d’étudier la définition des objectifs du séjour au pair avant d’envisager le contrôle exercé sur le détournement de pouvoir administratif.

I. La consécration d’une conception élargie des finalités du séjour au pair

A. Une finalité culturelle distincte de la simple acquisition linguistique

La cour s’appuie sur la directive européenne du 11 mai 2016 précisant que « le travail au pair contribue à encourager les contacts interpersonnels » entre les ressortissants étrangers. Cette mission permet d’approfondir la connaissance des États membres et de renforcer les liens culturels, au-delà de la seule maîtrise technique de la langue nationale française. Le juge souligne ainsi que l’immersion complète dans un environnement exclusivement francophone conserve toute sa pertinence, même pour un candidat disposant déjà de compétences linguistiques jugées avancées. L’appréciation de l’intérêt du séjour ne peut donc se limiter à une évaluation comptable des progrès pédagogiques attendus par le demandeur du visa de long séjour.

B. La neutralisation du niveau de langue comme critère d’exclusion

L’administration considérait qu’un niveau autonome en français rendait le projet de formation suspect et dépourvu de fiabilité au regard des exigences du code de l’entrée. La jurisprudence rappelle toutefois que les textes exigent seulement une « connaissance de base de la langue française » pour l’accès au statut protecteur de jeune au pair. L’excellence académique ou linguistique ne saurait donc légalement fonder une présomption de fraude ou une absence de sincérité dans la démarche globale de l’étranger. Cette reconnaissance de la diversité des buts poursuivis par le jeune au pair limite la capacité de l’administration à invoquer systématiquement la fraude.

II. L’encadrement rigoureux de l’appréciation administrative du risque de détournement

A. Le caractère facultatif et subsidiaire du suivi d’études

L’autorité ministérielle critiquait l’éloignement géographique entre le domicile d’accueil et l’établissement de formation pour démontrer une volonté de fraude au visa de long séjour. La cour écarte cet argument en précisant que « le séjour en qualité de jeune au pair n’implique pas obligatoirement le suivi d’études » durant la période d’accueil. Puisque la formation peut être suivie à distance, la distance physique ne permet pas d’établir l’absence d’intention réelle de la candidate au visa. L’existence de moyens modernes de communication rend inopérante la suspicion fondée sur la seule localisation de l’organisme pédagogique choisi par l’intéressée lors de sa demande.

B. L’insuffisance des antécédents de refus pour caractériser la fraude

Le juge administratif relève que quatre refus antérieurs de visas pour études ne suffisent pas à démontrer que l’intéressée n’occupera pas effectivement son emploi au pair. L’existence d’une convention régulière de placement constitue un élément de preuve que l’administration ne peut écarter sans établir une contradiction manifeste avec la réalité des faits. En maintenant le refus malgré ces garanties sérieuses, l’instance de recours a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation justifiant la confirmation de son annulation juridictionnelle. La solution retenue par la cour administrative d’appel protège la cohérence des projets de mobilité internationale contre les interprétations trop restrictives des services de l’État.

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Hassan KOHEN
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