Cour d’appel administrative de Nantes, le 8 juillet 2025, n°24NT02675

La Cour administrative d’appel de Nantes s’est prononcée, le 8 juillet 2025, sur la légalité d’un refus de visa opposé à l’enfant d’un réfugié statutaire. Un ressortissant étranger sollicitait la réunion de sa fille présumée, née en 1998, en invoquant le bénéfice des dispositions relatives à la réunification familiale. L’autorité consulaire puis la commission de recours ont rejeté cette demande en se fondant sur l’incertitude entourant l’identité et le lien de filiation invoqués. Le tribunal administratif de Nantes a validé cette position par un jugement rendu le 9 avril 2024, dont les requérants ont ensuite interjeté appel. Le litige porte sur les modalités de preuve de la parenté lorsque les actes d’état civil font défaut ou s’avèrent dépourvus de force probante suffisante. La juridiction d’appel confirme le rejet de la requête en estimant que ni les documents produits, ni les éléments de possession d’état ne permettent d’établir la filiation. L’analyse portera d’abord sur l’exigence de preuve de l’identité avant d’étudier l’appréciation souveraine des juges concernant la possession d’état.

I. L’exigence de preuve rigoureuse de l’identité et de la filiation

A. L’insuffisance probante des actes d’état civil non officiels

Aux termes de l’article L. 561-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les demandeurs doivent produire des actes d’état civil. En l’espèce, les requérants présentaient un certificat de baptême émanant d’une église orthodoxe et un certificat d’enregistrement émis par une organisation internationale. La Cour administrative d’appel de Nantes souligne qu’un tel document « ne constitue pas un acte d’état-civil émanant de l’Etat érythréen », limitant ainsi la portée de ces pièces. Cette position s’inscrit dans une jurisprudence constante refusant d’accorder une confiance automatique aux documents religieux ou aux simples enregistrements administratifs internationaux. La preuve de la filiation repose sur une exigence de formalisme étatique que les requérants n’ont pas su satisfaire lors de leur demande initiale. Ce formalisme documentaire strict s’accompagne d’un pouvoir de contrôle étendu de l’administration sur la sincérité des demandes présentées au titre de la réunification.

B. La légitimité du contrôle administratif fondé sur l’ordre public

L’administration peut valablement refuser un visa en se fondant sur le « défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien de filiation ». Ce motif d’ordre public autorise un contrôle approfondi des pièces soumises par les ressortissants étrangers souhaitant bénéficier d’un droit au séjour. La juridiction administrative valide cette approche en relevant que le requérant n’a déclaré l’existence de son enfant qu’après l’obtention de son propre statut de réfugié. Cette déclaration tardive renforce le doute légitime des autorités sur la véracité de la situation familiale exposée par le demandeur de visa. L’absence de preuve documentaire certaine conduit naturellement les juges à rechercher si d’autres éléments peuvent suppléer cette carence manifeste de l’état civil. L’impossibilité d’établir la filiation par les actes officiels déplace alors le débat judiciaire vers la démonstration d’une possession d’état effective entre les intéressés.

II. L’appréciation souveraine de la possession d’état et le maintien du refus

A. L’échec de la démonstration d’une possession d’état caractérisée

La possession d’état suppose une réunion suffisante de faits révélant un lien de parenté, conformément aux critères fixés par l’article 311-1 du code civil. Les juges notent que les transferts d’argent invoqués « ne sont pas établis par les pièces au dossier avant la décision contestée ». De même, les échanges sur les réseaux sociaux et les photographies d’un voyage unique ne suffisent pas à caractériser une relation parentale continue. La Cour administrative d’appel de Nantes estime que ces éléments disparates ne permettent pas d’identifier avec certitude la demandeuse de visa comme étant l’enfant biologique. Cette rigueur dans l’examen des faits souligne la volonté du juge de prévenir toute fraude à la loi dans le cadre des procédures migratoires. Cette absence de réalité factuelle du lien de parenté prive les requérants de toute protection utile sur le terrain des libertés fondamentales protégées.

B. L’inefficacité des moyens tirés des conventions internationales

Le rejet de la demande n’est pas jugé contraire à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Puisque « l’identité de la demandeuse de visa ne peut être établie », l’atteinte au droit à la vie privée et familiale ne peut être utilement soulevée. La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, garantie par la convention internationale, ne saurait imposer la délivrance d’un visa sans une certitude identitaire absolue. La juridiction d’appel confirme ainsi que la légalité du refus de visa repose sur une base factuelle solide et proportionnée aux enjeux de l’ordre public. La solution finale entérine donc la prééminence des règles de preuve sur les aspirations personnelles des requérants dont la parenté demeure juridiquement incertaine.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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