Cour d’appel administrative de Paris, le 1 juillet 2025, n°24PA00313

Par un arrêt du 1er juillet 2025, la cour administrative d’appel de Paris précise les modalités de calcul du poids des organisations syndicales. Ce litige porte sur la validité d’un arrêté fixant la liste des syndicats reconnus représentatifs dans une branche du secteur tertiaire. L’autorité ministérielle avait refusé de prendre en compte les suffrages d’un établissement dont le rattachement conventionnel initial était pourtant erroné. Des fédérations de salariés ont alors sollicité l’annulation de cet acte en invoquant une rupture dans l’exhaustivité de la mesure de l’audience. Le juge administratif devait déterminer si l’administration peut ignorer des résultats électoraux au motif que leur incidence sur les calculs serait marginale. La cour considère que le ministre doit intégrer tous les suffrages pertinents dès lors que le lien avec la branche est établi. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’exigence de complétude dans la centralisation des votes avant d’envisager la portée des injonctions judiciaires.

I. L’exigence de complétude dans la centralisation ministérielle des suffrages

A. La mission administrative de fiabilisation des données électorales

Le code du travail impose au ministre de centraliser les résultats des élections afin de mesurer l’audience réelle des organisations syndicales. Cette mission doit « garantir la fiabilité et l’exhaustivité des données recueillies et consolidées » conformément aux dispositions réglementaires en vigueur. L’autorité administrative ne dispose d’aucune marge d’appréciation pour écarter des procès-verbaux exploitables dont l’erreur matérielle a été préalablement démontrée. La sincérité du processus de représentation repose sur la prise en compte scrupuleuse de chaque suffrage exprimé par les salariés. L’administration doit veiller à ce que les traitements opérés ne remettent pas en cause l’exhaustivité nécessaire à l’établissement des mesures d’audience. Ce devoir de rigueur interdit à l’autorité ministérielle de hiérarchiser l’importance des votes en fonction de leur impact supposé sur les résultats.

B. L’impossibilité d’écarter des résultats pour des motifs d’opportunité

L’autorité ministérielle prétendait que l’intégration des votes d’une seconde société ne modifierait pas substantiellement le poids relatif des différentes organisations représentatives. La cour rejette fermement cet argument en affirmant que « l’administration étant garante de la fiabilité et de l’exhaustivité des données recueillies et consolidées ». Elle ne peut s’en affranchir au seul motif qu’une omission n’altérerait pas l’équilibre général de la représentativité syndicale. Le juge administratif rappelle que la mesure de l’audience est une opération arithmétique objective qui exclut toute considération d’ordre opportuniste. Chaque voix exprimée par un salarié doit être rattachée à sa branche réelle pour garantir l’équité des futures négociations collectives. Cette exigence de précision devient impérative lorsque des décisions de justice ont déjà apporté des éléments de clarification sur le périmètre.

II. L’autorité renforcée des décisions judiciaires sur la représentativité

A. Le respect impératif de la qualification juridique du rattachement

Le présent litige s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt définitif ayant jugé que certaines activités relevaient nécessairement de la convention collective visée. Bien que « la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale », le juge judiciaire avait déjà tranché cette question. L’autorité ministérielle est tenue de tirer les conséquences de cette chose jugée pour rectifier les erreurs d’identification commises par les employeurs. Elle ne saurait se substituer à l’entreprise pour corriger un identifiant sans un accord exprès ou une décision juridictionnelle préalable. La cour administrative d’appel souligne que l’administration a méconnu les exigences légales en s’abstenant de tirer les conséquences d’une décision définitive. Le respect de la hiérarchie des normes impose au pouvoir réglementaire de se conformer aux constatations de fait opérées par le juge.

B. La sanction d’une exécution partielle des obligations de réexamen

L’autorité ministérielle n’avait pris en compte que les suffrages d’une seule entreprise alors que l’injonction précédente concernait l’ensemble des entités du secteur. Cette exécution lacunaire entraîne l’annulation de la disposition fixant le poids des syndicats car elle repose sur une base factuelle incomplète. La juridiction administrative considère que les fédérations requérantes sont fondées à soutenir que le poids de leurs organisations a été fixé de manière erronée. L’arrêt prononce une nouvelle injonction obligeant l’administration à réintégrer les suffrages injustement écartés dans un délai de quatre mois seulement. Le juge veille ainsi à ce que la représentativité soit établie sur des données exhaustives pour permettre la négociation d’accords collectifs valides. Cette solution garantit enfin aux salariés que leur vote produira son plein effet juridique au sein de leur branche professionnelle réelle.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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