Cour d’appel administrative de Paris, le 1 juillet 2025, n°24PA04453

La cour administrative d’appel de Paris a rendu le 1er juillet 2025 un arrêt relatif au refus de titre de séjour pour un ressortissant étranger malade. Le requérant, de nationalité péruvienne, souffrait d’une infection par le virus de l’immunodéficience humaine et d’une hypoparathyroïdie primaire sévère diagnostiquée après son entrée en France. L’autorité préfectorale a refusé la délivrance du titre sollicité au motif que la présence de l’intéressé sur le territoire français constituait une menace pour l’ordre public. L’administration s’appuyait sur une condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Pontoise le 10 septembre 2019 pour des faits d’agression sexuelle commis sur un mineur. Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté par un jugement du 10 octobre 2024 ayant fait l’objet d’un appel. Les juges d’appel devaient apprécier si l’état de santé du demandeur faisait obstacle à son éloignement malgré les faits répréhensibles invoqués par l’autorité préfectorale compétente. La juridiction annule la décision attaquée en soulignant que l’absence de preuve d’un risque de récidive prive la menace de son caractère actuel et suffisant. L’examen de cette décision portera sur la protection médicale du ressortissant étranger avant d’analyser le contrôle juridictionnel exercé sur la notion de menace publique.

I. L’exigence d’une prise en charge médicale effective face à la menace à l’ordre public

A. La vérification scrupuleuse de la disponibilité des soins dans le pays de renvoi Le titre de séjour est délivré à l’étranger dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences graves. Le collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration a estimé par deux avis successifs que le système de santé péruvien était insuffisant. Les juges relèvent que si certains médicaments sont disponibles au Pérou, aucun élément ne démontre la présence de l’alfacalcidol nécessaire au traitement de l’hypoparathyroïdie sévère. L’arrêt précise que l’étranger « ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié » à sa pathologie endocrinienne malgré la disponibilité théorique de certains produits antiviraux. Cette impossibilité matérielle d’accès aux soins fondamentaux constitue le premier pilier du raisonnement juridique suivi par la cour administrative d’appel de Paris dans cette espèce.

B. La conciliation délicate entre le droit au séjour pour motifs de santé et la sécurité publique Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permet de refuser un titre de séjour pour menace à l’ordre public. L’administration a opposé cette disposition pour écarter le droit au séjour de l’intéressé malgré la gravité reconnue de son état de santé actuel. La cour souligne qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir de rechercher si les faits invoqués sont de nature à justifier légalement une telle décision. Cette mise en balance des intérêts exige une analyse précise des circonstances individuelles afin de garantir le respect des droits fondamentaux protégés par la convention européenne. L’appréciation souveraine des juges se déplace alors vers la nature et la temporalité des comportements ayant justifié la mesure restrictive de liberté prise par l’administration.

II. L’annulation d’un refus de séjour fondé sur une appréciation erronée de la menace

A. La neutralisation de la menace par l’ancienneté des faits et l’absence de récidive La chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Versailles a confirmé le 28 juin 2021 une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis total. Ces faits d’agression sexuelle se sont produits cinq ans avant la décision contestée sans qu’un risque de récidive ne soit formellement établi par l’administration. Le manquement aux obligations de déclaration d’adresse liées au fichier des auteurs d’infractions sexuelles a fait l’objet d’un simple rappel à la loi en mai 2021. Les juges estiment qu’eu égard à « l’absence de toute justification quant au risque de récidive », l’autorité préfectorale a commis une erreur manifeste dans son appréciation. Le caractère ancien des faits prive l’administration de la possibilité de fonder un refus de séjour sur une menace qui n’est plus actuelle ou persistante.

B. La nécessité d’un réexamen complet de la situation administrative de l’intéressé L’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris entraîne l’obligation pour le préfet de police de statuer à nouveau sur la demande de titre de séjour. La cour enjoint à l’autorité administrative de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois tout en délivrant une autorisation provisoire de séjour au requérant. Les juges rejettent toutefois l’astreinte financière en estimant que les circonstances de l’espèce ne justifiaient pas une mesure de contrainte aussi lourde pour l’Etat. L’arrêt confirme la condamnation de l’administration à verser une somme de mille deux cents euros au titre des frais de justice exposés par le ressortissant étranger. Cette décision illustre la rigueur du contrôle exercé sur les motifs de sécurité publique lorsqu’ils entrent en conflit avec des impératifs de santé d’une exceptionnelle gravité.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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