La Cour administrative d’appel de Paris a rendu une décision relative au droit des étrangers et de l’asile le 10 juillet 2025. Une ressortissante togolaise a fait l’objet d’arrêtés préfectoraux portant obligation de quitter le territoire français sans délai le 18 novembre 2023. L’intéressée a refusé d’embarquer pour son pays d’origine lors de sa garde à vue en invoquant des risques liés à son orientation sexuelle. Le tribunal administratif de Melun a annulé ces décisions par un jugement du 18 décembre 2023 dont le préfet de police a relevé appel. La question posée porte sur la légalité d’une mesure d’éloignement prise après la manifestation d’une intention de solliciter l’asile devant les services de police. La juridiction d’appel confirme l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français en raison d’une erreur de droit commise par l’autorité préfectorale.
I. L’opposabilité de la demande d’asile formulée durant la rétention
A. La reconnaissance d’une manifestation de volonté non équivoque
La Cour administrative d’appel de Paris valide l’analyse du premier juge concernant l’existence d’une demande de protection internationale lors de l’audition policière. Les juges relèvent que « la requérante avait nécessairement formulé une demande d’asile en exprimant sa volonté de fuir son pays » devant les autorités. Cette expression de volonté résulte de son refus d’embarquer dans un vol vers son pays d’origine en raison des persécutions sérieuses qu’elle craignait. L’arrêt souligne que les propos tenus durant la garde à vue suffisent à caractériser une sollicitation d’asile au sens des dispositions législatives applicables. Le juge administratif s’appuie sur les procès-verbaux d’audition pour établir la réalité de cette demande malgré l’absence d’enregistrement formel en préfecture. Cette interprétation souple de la forme de la demande garantit que tout étranger puisse solliciter une protection dès son premier contact avec l’autorité.
B. L’illégalité corrélative de la mesure d’éloignement préfectorale
Le droit au maintien sur le territoire français s’oppose à toute mesure d’éloignement tant que l’autorité compétente n’a pas statué sur la demande. La Cour confirme que le préfet de police ne pouvait pas prendre d’obligation de quitter le territoire français « sauf à méconnaitre les dispositions » du code. L’administration a commis une erreur de droit en édictant une mesure d’éloignement sans délai alors qu’une procédure d’asile était virtuellement engagée par l’intéressée. L’arrêt rappelle que l’existence d’une demande d’asile préalable interdit l’exécution d’une mesure d’éloignement prise en application du livre VI du code susvisé. La décision préfectorale est donc entachée d’une méconnaissance directe des garanties accordées aux demandeurs de protection internationale présents sur le sol national. Cette solution impose à l’administration une vigilance accrue lors de la phase de garde à vue précédant l’éventuelle édiction d’un éloignement.
II. La portée de l’obligation d’orientation du demandeur d’asile
A. Le rôle impératif des services de police dans la procédure
L’arrêt précise les obligations pesant sur les services de police lorsqu’un étranger manifeste sa volonté de solliciter l’asile durant une période de rétention. La Cour affirme qu’il « appartenait donc aux services de police d’orienter l’intéressée vers les services préfectoraux » pour l’enregistrement de sa demande. Cette obligation d’orientation est prévue par l’article R. 521-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Les forces de l’ordre ne peuvent se contenter de prendre acte des déclarations de l’étranger sans engager les démarches administratives de transmission nécessaires. La diligence des services de police constitue une condition essentielle de l’accès effectif à la procédure d’asile pour les personnes privées de liberté. Le non-respect de cette formalité procédurale entraîne l’illégalité de la décision d’éloignement prise ultérieurement par l’autorité préfectorale sans examen du droit au séjour.
B. La confirmation d’une protection rigoureuse du droit au maintien
La juridiction d’appel rejette l’argumentation du préfet de police et confirme l’injonction d’enregistrer la demande d’asile de la requérante en procédure normale. La Cour considère que le droit de se maintenir sur le territoire français bénéficie à tout étranger ayant manifesté son intention de solliciter une protection. Cette protection s’étend jusqu’à la remise de l’attestation de demande d’asile et la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. L’arrêt renforce la sécurité juridique des demandeurs d’asile en sanctionnant l’empressement de l’administration à éloigner des étrangers vulnérables sans respecter les étapes légales. La solution retenue assure la primauté du droit d’asile sur les impératifs de gestion des flux migratoires et d’exécution des mesures de police. Par cette décision, le juge administratif rappelle que la protection des droits fondamentaux suppose une application stricte des règles de compétence et de procédure.