Par un arrêt rendu le 10 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Paris se prononce sur les conditions de reconnaissance de la qualité d’apatride. Un ressortissant étranger conteste le rejet de sa demande par l’administration, décision confirmée initialement par le Tribunal administratif de Melun le 7 novembre 2024. Le requérant invoque une perte de sa nationalité d’origine par décret sans pouvoir toutefois en expliquer les motifs ni apporter de preuves suffisantes. La juridiction d’appel doit déterminer si l’absence de démarches assidues auprès des autorités nationales et la suspicion d’une autre nationalité font obstacle à la protection. L’examen de la légalité de cet acte administratif repose sur la rigueur de la motivation et sur la démonstration d’une absence réelle de lien national.
I. La rigueur de l’obligation de motivation et la charge de la preuve de l’apatridie
A. La validité de la motivation de l’acte administratif de rejet
L’autorité administrative doit motiver en fait et en droit ses décisions de refus comme le prévoit l’article L. 582-3 du code de l’entrée et du séjour. La Cour relève que l’acte mentionne précisément la situation personnelle de l’intéressé ainsi que les fondements juridiques applicables à sa demande de protection internationale. La décision indique que la perte de nationalité n’était pas confirmée et que le requérant n’avait pas sollicité le rétablissement de ses droits civiques. Ces considérations de fait sont jugées suffisamment « précises et circonstanciées » pour permettre au juge d’exercer un contrôle complet sur la légalité du refus. L’exigence de clarté formelle s’accompagne d’une obligation substantielle portant sur les efforts déployés par l’individu pour clarifier son lien juridique avec son État d’origine.
B. L’obligation pour le demandeur de justifier de démarches assidues
La reconnaissance de l’apatridie est subordonnée à la définition conventionnelle désignant une personne « qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». Il appartient dès lors au solliciteur d’apporter la preuve qu’il a effectué des « démarches répétées et assidues » auprès des autorités de son pays. Le juge administratif exige que le demandeur prouve le refus explicite de l’État dont il se prévaut de le reconnaître comme l’un de ses membres. Cette exigence probatoire stricte vise à éviter les situations d’apatridie résultant d’une simple négligence administrative du ressortissant étranger dans son pays de naissance. La preuve de l’absence de nationalité est toutefois neutralisée par les éléments du dossier révélant une possible appartenance à une autre communauté étatique.
II. L’obstacle à la reconnaissance de l’apatridie tiré de la situation personnelle du requérant
A. La présomption d’acquisition d’une nationalité tierce non contestée
L’existence d’une seconde identité ou la possible acquisition d’une nationalité étrangère constitue un motif légitime de rejet de la demande de protection par l’administration. Les juges notent que l’intéressé était connu sous une autre identité et n’a pas contesté avoir potentiellement acquis la citoyenneté d’un État tiers. Cette circonstance de fait fragilise la prétention à l’apatridie car la convention de New-York ne s’applique qu’aux individus dépourvus de tout lien national effectif. La preuve de l’absence de toute autre nationalité devient alors un élément central que le requérant n’est pas parvenu à établir devant la juridiction. L’ambiguïté entourant l’identité du requérant se double d’une négligence manifeste dans l’utilisation des voies de droit offertes par la législation de son pays.
B. L’absence de recours aux procédures de recouvrement de la nationalité
Le défaut de demande de réintégration dans la nationalité d’origine lorsque la loi nationale le permettait fait obstacle au bénéfice définitif du statut d’apatride. La législation étrangère applicable en l’espèce offrait la possibilité de demander le rétablissement de la citoyenneté jusqu’à une date précise que le requérant a ignorée. Le juge administratif considère que l’impossibilité alléguée de réintégration n’est pas démontrée par des éléments probants de nature à remettre en cause l’appréciation initiale. Le rejet de l’appel confirme ainsi que la protection internationale ne saurait suppléer une carence volontaire de l’individu dans la préservation de ses propres droits. L’absence de preuve d’un refus définitif de l’État d’origine justifie légalement le maintien de la décision de rejet prise par l’autorité administrative.