La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 10 juillet 2025, une décision relative à la légalité d’une interdiction de retour sur le territoire français. Un ressortissant étranger, entré en France en 2013, s’est maintenu irrégulièrement malgré une obligation de quitter le territoire prononcée le 12 juin 2023. L’autorité préfectorale a édicté à son encontre, le 29 novembre 2024, une interdiction de retour d’une durée de vingt-quatre mois assortie d’un signalement. Saisi par l’intéressé, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté par un jugement du 10 janvier 2025. Les premiers juges estimaient qu’une simple infraction routière ne caractérisait pas une menace suffisante pour l’ordre public justifiant une telle mesure. L’administration a alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Paris afin d’obtenir l’annulation de ce jugement de première instance. La question posée aux juges d’appel concerne l’adéquation de la durée de l’interdiction de retour au regard de l’intégration de l’étranger et de sa situation familiale. La juridiction d’appel censure le raisonnement du tribunal en validant la durée de la mesure par le biais d’une substitution de motifs.
**I. L’exigence d’une appréciation globale de la situation personnelle de l’étranger**
**A. L’insuffisance des attaches privées et familiales alléguées**
Le juge administratif vérifie systématiquement si la mesure d’éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale. Dans cet arrêt, le requérant se prévalait d’une vie commune avec une compagne en situation régulière et de la naissance d’un enfant en 2022. Toutefois, la Cour relève que « les pièces produites par le requérant ne suffisent pas à établir ni l’ancienneté de la présence dont il se prévaut ». La preuve de l’intensité des liens familiaux est une condition indispensable pour neutraliser une mesure d’interdiction de retour sur le fondement de l’article 8. Les magistrats soulignent également que « l’intéressé n’établit pas l’intensité des liens qu’il entretiendrait avec son enfant » au sens de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. Cette absence de démonstration probante permet à l’administration de limiter l’exercice des droits protégés sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation ou de violation conventionnelle. La cellule familiale pourrait d’ailleurs se reconstituer dans le pays d’origine puisque rien ne s’y oppose matériellement selon les constatations souveraines des juges.
**B. La prise en compte du comportement passé au regard de l’ordre public**
L’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose de considérer la menace pour l’ordre public. Le tribunal administratif avait initialement retenu que l’unique interpellation pour conduite sans permis ne suffisait pas à justifier une interdiction de vingt-quatre mois. La Cour administrative d’appel de Paris adopte une vision plus large en tenant compte de la persistance de l’irrégularité du séjour sur le territoire. Il est ainsi « constant que l’intéressé s’est soustrait à l’exécution de la mesure d’éloignement prise à son encontre le 12 juin 2023 ». Le refus délibéré de respecter une précédente décision administrative constitue un élément d’appréciation négatif pour fixer la durée de la nouvelle interdiction. Le comportement général de l’étranger pèse lourdement dans la balance des intérêts en présence lors du contrôle opéré par le juge de l’excès de pouvoir. La juridiction administrative rappelle ainsi que l’autorité préfectorale doit concilier la protection de l’ordre public avec les garanties individuelles offertes par les textes.
**II. La validité de la substitution de motifs fondée sur le défaut d’intégration**
**A. Le passage de la menace à l’ordre public au défaut manifeste d’intégration**
L’originalité de cette décision réside dans l’accueil d’une demande de substitution de motifs formulée par l’autorité administrative en cours d’instance d’appel. L’administration a invoqué le défaut d’intégration caractérisé par de multiples signalements dans les fichiers de police pour des infractions commises sous diverses identités. La Cour estime que ces faits sont « constitutifs sinon d’une menace à l’ordre public, du moins d’un défaut manifeste d’intégration dans la société française ». Cette distinction juridique subtile permet de valider une sanction administrative même si le critère de la menace actuelle et réelle n’est pas rempli. Les signalements répétés entre 2009 et 2022 démontrent une volonté d’échapper au contrôle des autorités par l’usage d’identités multiples durant plusieurs années. Le juge valide ce nouveau motif car il aurait pu légalement fonder la décision initiale dès le jour de sa signature par le préfet. La substitution de motifs garantit ainsi la sécurité juridique de l’acte administratif tout en sanctionnant un comportement incompatible avec les règles de séjour.
**B. La proportionnalité maintenue de la mesure d’interdiction de retour**
La durée de vingt-quatre mois représente le maximum légal autorisé pour une interdiction de retour édictée dans les conditions de l’espèce étudiée ici. La Cour considère que cette durée maximale n’est pas excessive au regard du parcours du ressortissant étranger et de son absence d’insertion. Le défaut d’intégration « caractérisé par les multiples signalements dans le fichier automatisé des empreintes digitales » justifie l’éloignement durable du territoire national. L’arrêt écarte également le moyen tiré de la méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant car aucune circonstance ne fait obstacle au départ. La décision souligne que « rien ne s’oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d’origine de l’intéressé » conformément aux principes jurisprudentiels classiques. Cette solution confirme la fermeté du juge administratif parisien face aux étrangers ne justifiant d’aucune intégration concrète malgré une présence prolongée. La Cour de Paris rétablit donc l’arrêté préfectoral et rejette les prétentions du requérant pour l’ensemble des moyens soulevés durant la procédure contentieuse.