Cour d’appel administrative de Paris, le 11 avril 2025, n°23PA05217

La cour administrative d’appel de Paris a rendu une décision remarquée le 11 avril 2025 concernant le régime juridique des demandes de subventions publiques.

Une société sollicita en octobre 2019 une aide financière auprès d’une collectivité départementale afin de financer l’ouverture de places d’accueil pour jeunes enfants. L’administration modifia ses critères d’octroi par une délibération en décembre 2019 avant de rejeter expressément la demande initiale au début de l’année civile suivante. Le tribunal administratif de Montreuil annula ce refus mais ordonna un réexamen du dossier à l’aune de la réglementation nouvelle adoptée entre-temps par la collectivité. L’appelante contesta cette solution en soutenant que sa demande devait être traitée selon les dispositions en vigueur au moment de son dépôt initial au guichet. Le juge d’appel devait déterminer si le dépôt d’une demande de subvention suffit à cristalliser le droit applicable ou si l’administration doit suivre l’évolution normative. La juridiction d’appel écarte les prétentions de la société en affirmant que l’autorité administrative doit statuer selon les textes en vigueur lors de sa décision finale. Cette problématique sera abordée à travers l’étude du principe de l’application immédiate de la norme avant d’en mesurer la portée au regard de la sécurité juridique.

I. L’affirmation du principe de l’application immédiate de la règle nouvelle

A. L’obligation de statuer selon le droit en vigueur au jour de la décision

La Cour rappelle le principe fondamental selon lequel l’administration statue sur les demandes dont elle est saisie « en faisant application des textes en vigueur ». Cette règle générale de procédure administrative impose au décideur de tenir compte de l’état du droit positif au moment exact de la signature de l’acte. La juridiction précise que cette application immédiate prévaut « sauf dispositions expresses contraires » qui imposeraient exceptionnellement le maintien des règles antérieures au profit de l’administré. La détermination du droit applicable impose ainsi de définir précisément la nature de la situation juridique du pétitionnaire lors de la phase d’instruction de son dossier.

B. L’absence de situation juridique définitivement constituée

La solution repose sur le constat que le simple dépôt d’un dossier ne saurait être regardé comme « instituant une situation juridique définitivement constituée » pour l’intéressé. L’appelante ne disposait donc d’aucun droit acquis au maintien du régime antérieur tant que l’autorité n’avait pas formellement statué sur l’attribution de la subvention. Le juge administratif refuse d’assimiler l’attente d’une décision discrétionnaire à une position protégée contre les changements de la norme juridique intervenus au cours de l’instruction. Cette approche restrictive de la cristallisation des droits conduit alors à examiner l’articulation entre le pouvoir réglementaire et les principes généraux de sécurité juridique.

II. La portée de l’exclusion des garanties de non-rétroactivité

A. Une interprétation rigoureuse du code des relations entre le public et l’administration

L’arrêt se fonde sur l’article L. 221-4 du code des relations entre le public et l’administration pour borner la protection face aux nouvelles réglementations locales. Si ce texte prohibe la remise en cause des situations passées, il ne fait pas obstacle à l’application des règles nouvelles aux instances administratives encore pendantes. La Cour souligne que l’annulation d’un refus initial n’impliquait nullement le réexamen de la demande au regard de la réglementation applicable à la date du dépôt. L’autorité administrative conserve la pleine faculté de modifier ses critères d’intervention économique sans que les pétitionnaires puissent invoquer une espérance légitime de stabilité normative.

B. Les limites posées à la sécurité juridique des demandeurs de subvention

Cette décision illustre la précarité inhérente aux aides publiques dont le versement dépend d’une appréciation souveraine et temporelle de l’organe délibérant du département concerné. Le choix de la date de la décision comme point de référence juridique favorise l’intérêt général au détriment de la prévisibilité financière pour les acteurs privés. Le juge privilégie la soumission immédiate de l’administration aux délibérations récentes sur la protection de la confiance des demandeurs ayant anticipé l’obtention de fonds publics. La solution rendue confirme la rigueur du droit public envers les entités sollicitant des concours financiers sans bénéficier d’un cadre contractuel préalablement formalisé avec l’administration.

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Hassan KOHEN
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