La Cour administrative d’appel de Paris, par une décision du 11 février 2025, statue sur la déductibilité des intérêts d’emprunts versés à une entreprise liée. Une société française a fait l’objet d’un redressement fiscal suite à la remise en cause de charges financières payées à une entité établie à l’étranger. L’administration fiscale a considéré que les intérêts n’avaient pas supporté une imposition minimale au moins égale au quart de l’impôt sur les sociétés français. La société créancière bénéficiait initialement d’un régime fiscal privilégié avant de renoncer rétroactivement à cet avantage durant le cours de la vérification de comptabilité. Le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés formulée par la société requérante en 2023. Le juge d’appel doit déterminer si une régularisation fiscale opérée à l’étranger permet de satisfaire les conditions de déduction prévues par le code général des impôts. La juridiction écarte l’argumentation de la contribuable et confirme que les dispositions législatives contestées respectent la liberté de circulation des capitaux et les conventions internationales.
I. L’exigence d’un assujettissement effectif et contemporain à l’exercice
A. L’inefficacité de la renonciation rétroactive au régime de faveur
L’entreprise débitrice doit démontrer que la société prêteuse est assujettie à un impôt dont le montant est au moins égal au quart de l’impôt français. La cour relève que la société étrangère « ne peut être regardée comme ayant été assujettie » à un impôt suffisant malgré sa démarche de restitution tardive. La renonciation rétroactive au régime de faveur, intervenue postérieurement au déclenchement du contrôle fiscal, ne modifie pas la situation d’imposition au titre de l’exercice. Les juges soulignent que l’administration fiscale étrangère a entériné la nouvelle liquidation sans que cela ne valide pour autant la déduction des charges en France.
B. La rigueur de l’appréciation des conditions d’imposition à l’étranger
Le texte impose une condition d’assujettissement effectif durant l’exercice en cours, ce qui exclut les corrections opérées ultérieurement pour les besoins de la cause. Cette interprétation stricte de la loi fiscale vise à prévenir les manipulations comptables destinées à contourner les dispositifs de lutte contre l’érosion de la base d’imposition. La juridiction administrative valide ainsi une application rigoureuse du mécanisme légal afin de garantir la cohérence du système de taxation des flux financiers intragroupes. L’absence de caractère irrévocable ou définitif de l’imposition au moment de la déclaration initiale justifie la position ferme adoptée par les magistrats de l’appel.
II. La conformité du dispositif anti-abus aux libertés de circulation
A. L’absence de restriction injustifiée à la liberté de circulation des capitaux
La société requérante soutenait que le dispositif instaurait une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée par le traité sur le fonctionnement de l’Union. Le juge considère que « ce critère de distinction n’établit dès lors aucune discrimination directe, fondée sur le siège des sociétés » au sein de l’espace européen. La situation d’une société créancière non-résidente bénéficiant d’une fiscalité réduite n’est pas comparable à celle d’une entité imposée selon le régime de droit commun. L’absence d’éléments démontrant que la législation s’applique de manière prépondérante aux opérateurs étrangers conduit la cour à écarter le moyen tiré d’une discrimination indirecte.
B. L’innocuité du texte au regard de la clause de non-discrimination conventionnelle
La convention fiscale conclue avec l’État tiers prévoit que les intérêts payés par une entreprise résidente sont déductibles dans les mêmes conditions qu’au plan interne. La cour estime que les dispositions litigieuses n’instituent aucune discrimination à raison de la nationalité ou du lieu de situation du siège de la créancière. Le critère de taxation minimale s’applique indifféremment à toutes les entreprises liées, qu’elles soient situées sur le territoire national ou dans un État partenaire. Le rejet de la requête confirme la validité des outils législatifs permettant de lutter contre les schémas d’endettement artificiels sans méconnaître les engagements internationaux.