Cour d’appel administrative de Paris, le 12 février 2025, n°24PA03276

Par un arrêt rendu le 12 février 2025, la Cour administrative d’appel de Paris rejette la requête d’un agent public territorial contestant son grade. L’intéressé sollicitait la reconstitution de sa carrière dans le cadre d’emplois des professeurs territoriaux d’enseignement artistique depuis sa titularisation intervenue en 1998.

Recruté initialement en 1988 comme enseignant contractuel, le requérant fut nommé fonctionnaire stagiaire puis titulaire dans le grade d’assistant d’enseignement artistique. En 2021, il a saisi son employeur d’une demande de reclassement rétroactif en catégorie A, accompagnée d’une réclamation indemnitaire de 65 000 euros. Le tribunal administratif de Melun a rejeté ses prétentions par un jugement en date du 27 juin 2024, dont l’agent a interjeté appel.

Le litige porte sur la possibilité pour un fonctionnaire de revendiquer un grade supérieur en se fondant sur la nature des missions réellement exercées. Le juge doit déterminer si l’exercice effectif de fonctions pédagogiques autonomes suffit à caractériser une illégalité dans la gestion de la carrière de l’agent. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en écartant les moyens fondés sur l’illégalité des actes de nomination devenus définitifs depuis longtemps.

I. L’appréciation rigoureuse de la légalité de la classification statutaire

A. L’inopérance des griefs dirigés contre les actes de recrutement initiaux

Le juge d’appel écarte d’abord les critiques visant la régularité du jugement attaqué en rappelant les principes gouvernant l’effet dévolutif de l’appel. Selon la Cour, il appartient au juge « non d’apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s’est prononcé » sur les moyens. Cette règle conduit la juridiction à examiner directement la légalité de la décision administrative contestée sans s’arrêter aux éventuelles erreurs de droit du tribunal.

L’arrêt souligne également l’inopérance des moyens soulevés contre les conditions de recrutement et de titularisation de l’agent intervenues plusieurs décennies auparavant. Ces actes de gestion, n’ayant pas été contestés dans les délais de recours, sont devenus définitifs et ne peuvent plus être utilement critiqués. Le requérant ne peut donc pas se prévaloir de l’illégalité de sa nomination originelle en qualité d’assistant pour obtenir l’annulation du refus de reconstitution de carrière.

B. La distinction matérielle entre les missions d’assistant et de professeur

La Cour procède ensuite à une analyse technique des cadres d’emplois en comparant les statuts particuliers des assistants et des professeurs d’enseignement artistique. Elle relève qu’un assistant est susceptible d’exercer des tâches d’enseignement sans que cela n’implique nécessairement son appartenance à la catégorie supérieure des professeurs. Les bulletins de salaire ou les fiches de notation mentionnant la qualité de professeur ne suffisent pas à établir une erreur de droit de l’administration.

Pour caractériser l’appartenance au grade de catégorie A, l’agent doit prouver l’exercice de missions spécifiques comme « la direction pédagogique et administrative des écoles de musique ». Le requérant n’établit pas avoir assumé de telles responsabilités allant au-delà de l’enseignement instrumental ou de la direction de la musique de chambre. L’absence de démonstration de ces fonctions de direction justifie le maintien de l’agent dans son cadre d’emplois d’origine malgré ses qualifications personnelles.

II. Les limites du droit à la régularisation de la carrière administrative

A. Le strict encadrement des dispositifs d’accès réservé à la titularisation

L’arrêt examine l’application de la loi du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique qui permettait des concours réservés. Le juge note que l’intéressé « n’établit ni même n’allègue qu’il aurait alors demandé son intégration » dans le cadre d’emplois des professeurs territoriaux. Cette abstention lors de la période de mise en œuvre du dispositif dérogatoire interdit désormais toute revendication fondée sur ces dispositions législatives anciennes.

Le raisonnement juridique s’appuie sur la force des décisions individuelles de nomination qui font grief et doivent être contestées au moment de leur notification. En acceptant sans recours sa titularisation comme assistant en 1998, le fonctionnaire a laissé se cristalliser sa situation administrative au regard des textes alors applicables. Le juge refuse ainsi de rouvrir un droit à l’intégration rétroactive pour un agent n’ayant pas usé des voies de recours en temps utile.

B. L’inefficacité du principe d’égalité face à des situations juridiques distinctes

Le requérant invoquait enfin une rupture d’égalité de traitement par rapport à certains collègues ayant bénéficié d’une titularisation dans le grade supérieur de professeur. La Cour rejette cet argument au motif que les situations comparées ne sont pas identiques, notamment en raison de dates de titularisation différentes. Le principe d’égalité n’impose pas à l’administration de reproduire des schémas de carrière antérieurs à l’évolution des textes statutaires et législatifs.

La solution rendue par la Cour administrative d’appel de Paris le 12 février 2025 consacre la primauté du grade statutaire sur les fonctions de fait. L’absence d’illégalité fautive de l’administration entraîne mécaniquement le rejet des conclusions indemnitaires présentées par l’agent au titre de son préjudice de carrière. Cette décision assure la sécurité juridique des actes de gestion du personnel en limitant les possibilités de contestation tardive des nominations administratives.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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