Par un arrêt rendu le 13 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a précisé les conditions de mise en œuvre de l’article 155 A du code général des impôts. Une contribuable domiciliée en France réalisait des prestations informatiques pour le compte d’une société française par l’intermédiaire d’une entité située au Maroc. L’administration fiscale a réintégré les sommes facturées par la société étrangère dans le revenu imposable de la prestataire sous la catégorie des bénéfices non commerciaux. Le tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté sa demande de décharge le 4 octobre 2024, l’intéressée a formé un recours devant la juridiction d’appel. La requérante soutenait principalement que l’administration n’apportait pas la preuve d’une activité indépendante et revendiquait, à titre subsidiaire, le bénéfice du régime des traitements et salaires. Le litige portait sur la validité de l’imposition de rémunérations perçues par une personne établie hors de France pour des services rendus par un résident français. La Cour administrative d’appel de Paris rejette la requête en confirmant le bien-fondé du redressement opéré sur le fondement de l’imposition entre les mains du prestataire réel.
I. La mise en œuvre justifiée du mécanisme d’imposition des prestations facturées à l’étranger
A. Les conditions d’application de la présomption de l’article 155 A du code général des impôts
L’article 155 A du code général des impôts prévoit l’imposition en France de sommes perçues par une entité étrangère en rémunération de services rendus par un résident. Les juges rappellent que ce dispositif s’applique lorsque la facturation « ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre » de la structure domiciliée hors de France. L’administration doit démontrer que le service a été rendu pour l’essentiel par la personne physique domiciliée en France sans participation effective de la société écran. En l’espèce, les missions informatiques étaient accomplies physiquement dans les locaux de clients français par la seule prestataire de services résidant sur le territoire national. La Cour administrative d’appel de Paris valide ce raisonnement en soulignant que la réalité de la prestation effectuée par l’intéressée n’était pas sérieusement contestée.
B. L’absence de substance économique de la société intermédiaire étrangère
L’application du texte suppose également que la société étrangère n’exerce pas d’activité industrielle ou commerciale prépondérante autre que la simple facturation de la prestation litigieuse. La requérante ne parvenait pas à établir une quelconque intervention propre de la société marocaine permettant de regarder le service comme rendu pour le compte de celle-ci. Le transfert des fonds vers un compte bancaire situé à l’étranger ne suffisait pas à justifier une réalité économique autonome de la structure intermédiaire étrangère. Les juges soulignent que les contrats et les flux financiers n’avaient pour but que d’occulter l’activité professionnelle réellement exercée par la contribuable sur le sol français. Cette absence de contrepartie réelle autorise ainsi l’administration fiscale à appréhender les revenus directement entre les mains du prestataire physique identifié comme le véritable auteur.
II. La qualification juridique rigoureuse des revenus réintégrés
A. L’éviction de la qualification de traitements et salaires faute de lien de subordination
La détermination de la catégorie d’imposition dépend exclusivement de l’analyse des relations entre la personne rendant le service et le bénéficiaire final des prestations effectuées. La requérante invoquait l’existence d’un contrat de travail avec la société étrangère pour obtenir une taxation dans la catégorie des traitements et salaires, plus avantageuse. La juridiction d’appel écarte ce moyen en relevant l’absence de tout « lien de subordination » avec la société française donneuse d’ordres ou les clients finaux des missions. Il appartient au contribuable d’apporter la preuve d’un pouvoir de direction et d’un contrôle exercé sur ses modalités de travail quotidiennes par un employeur. La simple insertion dans un cadre contractuel préexistant entre des personnes morales ne permet pas de caractériser une relation de salariat pour le prestataire.
B. L’assujettissement au régime des bénéfices non commerciaux pour activité indépendante
En l’absence de contrat de travail probant, l’activité de consultant en informatique exercée de manière autonome relève par défaut de la catégorie des bénéfices non commerciaux. La Cour administrative d’appel de Paris confirme que les revenus perçus correspondent à des profits provenant d’une « occupation ou exploitation lucrative » au sens de l’article 92. La preuve de l’exagération de l’imposition incombe à la contribuable dès lors que l’administration a régulièrement procédé à une évaluation d’office de ses bases imposables. L’absence de perception directe des fonds par l’intéressée est jugée indifférente par les magistrats puisque le mécanisme de l’article 155 A crée une fiction fiscale. Cette décision réaffirme la volonté du juge administratif de sanctionner l’interposition de sociétés étrangères dépourvues de substance économique dans le but d’éluder l’impôt national.