Par un arrêt en date du 14 février 2025, la Cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur les conséquences procédurales du rapatriement de ressortissants français initialement retenus dans un camp en Syrie.
En l’espèce, deux sœurs mineures, accompagnées de leur mère et de leur frère, s’étaient rendues en Syrie en 2016. Après le décès de leur mère et de leur frère en 2019 dans un camp de prisonniers, les deux jeunes filles, alors détenues dans un autre camp, ont sollicité auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, par un courriel de leur conseil en date du 20 septembre 2022, l’organisation de leur retour en France. L’absence de réponse de l’administration a fait naître une décision implicite de rejet le 20 novembre 2022. Les requérantes ont alors saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande d’annulation de cette décision. Avant que le juge de première instance ne statue, leur retour sur le territoire national a été organisé le 4 juillet 2023. Par une ordonnance du 19 juillet 2023, la présidente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Le père des enfants, agissant en leur nom, a interjeté appel de cette ordonnance. En cours d’instance d’appel, l’une des sœurs étant devenue majeure, les requérants ont déclaré se désister de leur requête.
La question qui se posait à la Cour était de déterminer la portée d’un désistement d’instance formulé par des requérants ayant obtenu satisfaction de leur demande initiale en cours de procédure.
La Cour administrative d’appel, constatant le caractère pur et simple du désistement, décide d’en donner acte, mettant ainsi fin à l’instance sans examiner le fond du droit. Cette solution, dictée par l’évolution factuelle du litige, illustre parfaitement comment un événement extérieur à la procédure peut en commander l’issue. Si l’instance avait pour origine la contestation d’un refus de l’administration d’agir, l’action de cette dernière a privé le litige de son objet (I), ne laissant d’autre choix à la juridiction que de constater formellement la fin de l’instance par l’effet du désistement (II).
I. L’extinction de l’objet du litige, obstacle à l’examen au fond du droit au rapatriement
L’instance introduite devant le juge administratif visait à faire sanctionner l’inaction de l’État face à une demande de rapatriement. La satisfaction de cette demande en cours de procédure a toutefois rendu la poursuite du contentieux sans objet.
A. La contestation initiale d’une décision implicite de rejet portant sur une liberté fondamentale
La saisine initiale du juge administratif s’inscrivait dans un contexte humanitaire et juridique particulièrement sensible. Les requérantes, deux enfants de nationalité française, se trouvaient dans une situation de grande vulnérabilité, retenues contre leur gré dans un camp au nord-est de la Syrie. Leur demande de retour en France ne constituait pas une simple convenance personnelle, mais relevait de la protection que l’État doit assurer à ses ressortissants, notamment les plus jeunes. Le silence gardé par le ministre compétent pendant deux mois a cristallisé un refus, obligeant les intéressées à rechercher la censure du juge. L’enjeu du litige dépassait leur seule situation individuelle pour questionner l’étendue des obligations de l’État à l’égard de ses citoyens en péril à l’étranger, engageant potentiellement des libertés fondamentales.
B. L’obtention de satisfaction rendant sans objet la poursuite de l’instance
Alors que la procédure suivait son cours, l’administration a finalement accédé à la demande des jeunes filles. L’arrêt le constate en des termes factuels : « le 4 juillet 2023, les requérantes se sont vu remettre un laissez-passer consulaire et leur retour sur le territoire français a été assuré ». Cet événement est déterminant, car il satisfait pleinement la prétention qui était à l’origine du recours. Le litige, qui portait sur l’annulation d’un refus d’organiser ce retour, a ainsi perdu sa raison d’être. En droit administratif, lorsqu’un requérant obtient satisfaction en cours d’instance, le juge constate généralement qu’il n’y a plus lieu de statuer. Ici, les requérantes ont pris l’initiative de formaliser elles-mêmes cette situation par un acte de procédure, le désistement, tirant les conséquences de la disparition de leur intérêt à agir.
Dès lors que la cause du litige a disparu, la seule issue procédurale réside dans sa clôture formelle. C’est ce que la Cour consacre par un acte de pure administration judiciaire.
II. Le désistement d’instance, instrument de clôture procédurale
Face au désistement des requérantes, la Cour administrative d’appel n’avait d’autre pouvoir que d’en vérifier la validité et d’en tirer les conséquences juridiques, à savoir la clôture du dossier.
A. La reconnaissance d’un désistement pur et simple
La validité d’un désistement est subordonnée à son caractère pur et simple, c’est-à-dire inconditionnel. L’arrêt prend soin de le relever de manière lapidaire : « Le désistement des requérants est pur et simple ». Cette formule signifie que les requérants ont renoncé à leur action sans formuler de réserve ni de demande annexe, comme l’octroi de dépens ou l’indemnisation d’un préjudice. Le rôle du juge se limite alors à un simple contrôle formel. Il ne lui appartient pas de rechercher les motifs du désistement, bien qu’ils soient évidents en l’espèce, ni de s’interroger sur l’opportunité d’une telle renonciation à l’instance. La volonté des parties, souveraine en la matière, s’impose à la juridiction dès lors qu’elle est exprimée sans ambiguïté et dans les formes requises.
B. La décision de donner acte, une issue formelle et définitive
La conséquence logique de la validation du désistement est la décision de la Cour d’en « donner acte ». Cet acte met un terme définitif à l’instance engagée. La formule retenue dans l’article premier du dispositif, « Il est donné acte du désistement de M. A… H… et de Mme C… H… », emporte l’extinction de l’action en justice. La Cour ne tranche donc aucune question de droit sur le fond. La légalité du refus initial du ministre ne sera jamais examinée, ni par cette juridiction, ni par une autre, l’affaire étant désormais close. Cette décision est une décision d’espèce, dont la portée se limite à l’application d’une règle de procédure contentieuse. Elle illustre le pragmatisme du droit processuel, qui privilégie l’économie des moyens et met fin à un procès devenu inutile, sans pour autant apporter de réponse à la question juridique de fond qui l’avait initialement motivé.