Cour d’appel administrative de Paris, le 14 février 2025, n°23PA04061

Par une décision rendue le 14 février 2025, la Cour administrative d’appel de Paris précise le régime de recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre les clauses contractuelles.

Une entreprise privée de collecte de déchets contestait les stipulations tarifaires d’une convention de concession conclue entre un syndicat intercommunal et un opérateur spécialisé dans le traitement.

Le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie avait initialement rejeté cette demande comme irrecevable le 21 juillet 2023 au motif que la clause ne présentait pas un caractère divisible.

La requérante soutient que les tarifs imposés méconnaissent le principe d’égalité entre les usagers et portent atteinte à la libre concurrence dans le secteur du traitement des déchets.

La Cour annule le jugement de première instance mais rejette au fond les conclusions de la société requérante en validant la légalité des stipulations tarifaires présentes dans la convention.

L’étude de cette solution conduit à examiner d’abord l’identification du caractère réglementaire des stipulations tarifaires avant d’analyser la légalité maintenue du dispositif de tarification minimale.

**I. L’identification du caractère réglementaire des stipulations tarifaires**

**A. Une application rigoureuse des critères jurisprudentiels de recevabilité**

Les juges d’appel rappellent qu’un tiers est recevable à demander l’annulation des clauses réglementaires d’un contrat administratif portant une atteinte directe et certaine à ses intérêts légitimes.

Selon la Cour, « revêtent un caractère réglementaire les clauses d’un contrat qui ont, par elles-mêmes, pour objet l’organisation ou le fonctionnement d’un service public » de traitement.

La stipulation contestée règle directement la situation de personnes étrangères à la relation contractuelle en fixant un cadre impératif pour les tarifs applicables aux prestations réalisées par le concessionnaire.

Cette solution s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence classique permettant aux tiers d’attaquer les dispositions générales organisant le service public, indépendamment de la nature globale du contrat.

**B. L’indifférence du champ d’application de la clause sur sa nature juridique**

La Cour administrative d’appel de Paris souligne que la qualification réglementaire est indépendante de la circonstance que les prestations seraient situées hors du service public délégué par la collectivité.

Elle affirme ainsi qu’est « sans incidence sur cette qualification la circonstance que les prestations concernées par cette clause tarifaire seraient hors champs du service public concédé » par le syndicat.

Cette précision renforce la protection des tiers en évitant que des stipulations contractuelles affectant le marché ne soient soustraites au contrôle effectif du juge de l’excès de pouvoir.

L’annulation du jugement de première instance pour erreur de droit permet alors à la juridiction d’appel d’évoquer l’affaire pour statuer immédiatement sur la validité des clauses tarifaires critiquées.

La reconnaissance de la recevabilité du recours permet alors au juge de se prononcer sur la validité du mécanisme imposant un tarif plancher au concessionnaire pour ses activités privées.

**II. La légalité maintenue du dispositif de tarification minimale**

**A. L’absence de discrimination établie par le seul mécanisme du tarif plancher**

Sur le fond, la juridiction considère que l’obligation de ne pas pratiquer de tarifs inférieurs à ceux de l’autorité concédante ne crée pas, par elle-même, de discrimination tarifaire illégale.

Les stipulations litigieuses se bornent à interdire au concessionnaire de proposer des prix plus avantageux aux tiers qu’à la collectivité publique responsable du service de tri et de transport.

La Cour précise que ces clauses « n’ont ni pour objet ni pour effet d’autoriser, voire d’interdire (…) de pratiquer des tarifs (…) différents » de la rémunération contractuelle de base.

Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que des usagers placés dans des situations différentes soient soumis à des régimes tarifaires distincts s’ils reposent sur des critères objectifs.

**B. L’innocuité de la clause au regard du droit de la concurrence**

Le juge administratif rejette enfin les moyens tirés d’une éventuelle distorsion de concurrence ou d’un abus de position dominante résultant directement de l’application de l’article litigieux du contrat.

Les juges estiment que les stipulations contestées ne sont pas susceptibles de créer, en elles-mêmes, une rupture d’égalité ou une pratique anticoncurrentielle prohibée par les textes du code.

La clause se limite à définir un seuil minimal sans pour autant imposer une structure tarifaire fixe ou totalement déconnectée de la valeur réelle des prestations techniques de traitement.

En conséquence, la société requérante ne démontre pas que le dispositif contractuel porterait une atteinte illégale aux règles régissant la liberté du commerce et de l’industrie dans ce secteur.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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