Cour d’appel administrative de Paris, le 14 février 2025, n°23PA04949

Par un arrêt du 14 février 2025, la Cour administrative d’appel de Paris statue sur le refus de séjour opposé à un couple d’étrangers malades.

Le requérant souffrait de pathologies graves, notamment une sclérose en plaques et les séquelles d’un accident vasculaire cérébral, nécessitant une prise en charge médicale très complexe.

Son épouse sollicitait également son maintien sur le territoire français afin d’assurer l’assistance quotidienne indispensable à son mari devenu lourdement dépendant et handicapé physiquement.

Le tribunal administratif de Montreuil avait annulé les décisions préfectorales en estimant que les soins n’étaient pas disponibles dans le pays d’origine du couple requérant.

Le préfet soutenait en appel que les traitements requis existaient effectivement en Algérie, en s’appuyant sur des données confidentielles issues de sa propre base de données.

La juridiction d’appel devait alors déterminer si l’administration peut valablement opposer la disponibilité des soins sans communiquer les pièces précises fondant l’avis de ses experts.

Les magistrats confirment l’annulation des arrêtés en soulignant l’insuffisance des éléments produits par l’autorité préfectorale pour contrecarrer les preuves fournies par les administrés intéressés directement.

L’analyse de cette solution implique d’étudier l’encadrement du débat contradictoire sur l’offre de soins, avant d’envisager la protection du droit au séjour du conjoint.

**I. L’exigence d’un débat contradictoire renforcé sur la disponibilité effective des soins**

**A. La contestation probante de la présomption d’accès aux traitements**

L’article 6 de l’accord franco-algérien prévoit la délivrance d’un titre de séjour pour l’étranger dont l’état de santé exige une prise en charge médicale indispensable.

Le texte précise toutefois que le bénéfice de ce titre reste subordonné à l’absence d’un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays d’origine de l’intéressé.

L’intéressé a produit des certificats médicaux et des courriels attestant l’indisponibilité de plusieurs molécules essentielles au traitement de sa pathologie lourde et de ses troubles.

La Cour administrative d’appel de Paris juge que ces documents présentent une valeur probante suffisante pour remettre valablement en cause l’avis rendu par le collège médical.

**B. L’opposabilité de la transparence administrative au secret médical**

Pour justifier sa décision, le préfet invoquait des fiches d’information médicale dont il refusait la communication intégrale en se fondant sur le secret professionnel obligatoire.

Cependant, les juges d’appel affirment qu’aucune règle n’interdit la transmission de ces fiches, à condition qu’elles soient préalablement anonymisées par les services administratifs compétents concernés.

La juridiction relève que « la conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires », invalidant ainsi le secret opposé par l’autorité préfectorale d’appel.

Le défaut de production des sources documentaires de l’administration empêche alors de regarder le traitement comme effectivement disponible dans l’État de destination des deux requérants.

**II. La reconnaissance du rôle indispensable du conjoint accompagnant**

**A. La caractérisation d’une erreur manifeste d’appréciation**

La protection de la santé du requérant ne peut se concevoir sans l’examen de la situation de son épouse, dont le séjour demeure ici étroitement lié.

L’autorité préfectorale refusait également le séjour à l’épouse, arguant que la cellule familiale pourrait se reconstituer sans difficulté majeure dans leur pays d’origine commune initial.

Toutefois, l’instruction révèle que la présence de cette femme est strictement nécessaire à son époux handicapé pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie quotidienne complexe.

La Cour administrative d’appel de Paris confirme que le refus de séjour est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de la situation personnelle présentée.

**B. La portée d’une solution protectrice de la vie familiale**

Par cet arrêt, la juridiction renforce l’effectivité du droit au séjour des proches aidants lorsque l’état de santé du malade impose une assistance humaine permanente indispensable.

L’annulation des mesures d’éloignement garantit le respect des liens familiaux tout en assurant la continuité d’une prise en charge médicale devenue vitale pour le bénéficiaire handicapé.

Cette jurisprudence oblige dorénavant l’administration à mieux prendre en compte la réalité concrète de l’accompagnement des personnes atteintes de pathologies lourdes et invalidantes irrémédiables constatées.

La décision assure ainsi une conciliation équilibrée entre les prérogatives de la puissance publique et la protection fondamentale due aux individus les plus vulnérables du territoire.

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Hassan KOHEN
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