La cour administrative d’appel de Paris, dans sa décision du 14 mai 2025, statue sur la régularité d’un rejet par ordonnance d’une requête en annulation. Le litige oppose un ressortissant étranger à l’administration préfectorale au sujet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction de retour. L’intéressé a saisi le tribunal administratif de Montreuil d’une demande que le premier vice-président a rejetée par la voie d’une ordonnance le 7 octobre 2024. Le magistrat a estimé que les moyens soulevés, notamment celui tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu, étaient manifestement infondés au sens de la procédure simplifiée. La question posée à la cour consiste à savoir si l’absence de preuve initiale du respect du principe contradictoire permettait un tel rejet immédiat. La juridiction d’appel annule l’ordonnance pour irrégularité avant de rejeter la demande au fond en faisant usage de son pouvoir d’évocation.
I. L’annulation de l’ordonnance pour usage irrégulier du rejet simplifié
A. L’appréciation stricte du caractère manifestement infondé d’un moyen
Le code de justice administrative autorise les magistrats à rejeter par ordonnance les requêtes ne comportant que des « moyens de légalité externe manifestement infondés ». Cette faculté suppose que l’absence de bien-fondé du grief apparaisse avec une évidence certaine à la seule lecture du dossier de procédure. En l’espèce, le requérant soutenait que son droit à être entendu avait été violé car l’autorité administrative ne justifiait pas des conditions de son audition. La cour administrative d’appel de Paris souligne qu’il « ne ressortait pas des pièces de première instance » que l’intéressé avait pu présenter ses observations utiles. Le caractère manifestement infondé ne pouvait donc pas être retenu par le premier juge sans une instruction contradictoire préalable sur ce point précis. Cette exigence protège le droit au recours effectif des justiciables face à une utilisation trop extensive des pouvoirs de rejet par ordonnance.
B. La mise en œuvre du pouvoir d’évocation par le juge d’appel
L’annulation d’une décision juridictionnelle pour irrégularité procédurale conduit normalement la cour à se saisir de l’ensemble du dossier par la voie de l’évocation. Cette technique permet de statuer immédiatement sur les conclusions présentées devant le tribunal sans renvoyer l’affaire devant les juges du premier degré de juridiction. La cour administrative d’appel de Paris décide ainsi d’examiner directement la légalité de l’arrêté préfectoral pris à l’encontre du ressortissant de nationalité égyptienne. Ce choix assure une bonne administration de la justice en évitant un allongement inutile des délais de traitement du contentieux des étrangers. La juridiction doit alors confronter les moyens de la requête initiale aux pièces produites par le préfet lors de l’instance d’appel. Cette phase de jugement au fond permet d’apprécier la réalité des garanties procédurales offertes à l’administré lors de son interpellation.
II. La validation au fond de la procédure d’éloignement administratif
A. L’effectivité du droit d’être entendu lors de l’audition de police
Le droit d’être entendu constitue un principe général du droit de l’Union européenne garantissant à toute personne la possibilité de faire connaître ses observations. La cour rappelle que ce droit se définit comme celui de présenter son point de vue « de manière utile et effective » avant l’adoption d’une décision défavorable. L’administration a produit devant les juges d’appel le procès-verbal d’audition réalisé par les services de police lors de l’interpellation de l’intéressé. Ce document démontre que le requérant a été interrogé sur son identité, sa situation familiale et la perspective d’un éventuel éloignement vers son pays. La cour juge que ces échanges ont permis à l’administré de porter à la connaissance de l’autorité les informations nécessaires à l’examen de sa situation. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire est donc écarté au vu des éléments concrets versés au dossier.
B. La proportionnalité du refus de délai et de l’interdiction de retour
La légalité de l’obligation de quitter le territoire sans délai et de l’interdiction de retour dépend de l’examen approfondi de la situation personnelle du requérant. L’autorité administrative a justifié le refus de délai de départ volontaire par l’absence de garanties de représentation suffisantes et l’absence de documents d’identité valides. Le juge administratif vérifie également si les mesures ne portent pas une « atteinte disproportionnée » au droit au respect de la vie privée et familiale. La cour observe que l’intéressé est célibataire, sans charge de famille en France, et que l’essentiel de ses attaches réside dans son pays d’origine. L’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an est ainsi confirmée compte tenu de la durée de présence limitée. La décision attaquée ne comporte aucune erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers.