Un ressortissant étranger, présent sur le territoire national depuis 2011 et ayant bénéficié de titres de séjour temporaires pour raisons de santé, a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour. Le préfet compétent a opposé un refus à sa demande par un arrêté en date du 7 juillet 2023, assortissant cette décision d’une obligation de quitter le territoire français. L’intéressé a alors saisi le tribunal administratif de Montreuil afin d’obtenir l’annulation de cet arrêté, mais sa requête a été rejetée par un jugement du 4 juillet 2024. Il a interjeté appel de cette décision, soutenant notamment que l’administration n’avait pas consulté la commission du titre de séjour, alors qu’il avait formé une demande subsidiaire d’admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et qu’il justifiait d’une résidence habituelle en France de plus de dix ans. Il convenait donc pour la Cour administrative d’appel de Paris de déterminer si l’omission de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour, préalablement au refus d’admission exceptionnelle au séjour d’un étranger justifiant d’une résidence habituelle de plus de dix ans, constituait un vice de procédure de nature à entraîner l’annulation de la décision préfectorale. Par un arrêt du 14 mars 2025, la cour répond par l’affirmative. Elle juge que la consultation de cette commission constitue une garantie substantielle pour l’étranger et que son omission vicie la procédure. Par conséquent, elle annule le jugement du tribunal administratif ainsi que l’arrêté préfectoral.
La décision commentée rappelle avec fermeté l’obligation pour l’autorité administrative de respecter les garanties procédurales prévues par la loi, en particulier lorsque le pouvoir d’appréciation de l’administration est encadré. Il s’agira ainsi d’analyser la consécration du caractère substantiel de la saisine de la commission du titre de séjour (I), avant d’étudier la portée de cette solution sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administration (II).
I. La consécration du caractère substantiel de la saisine de la commission du titre de séjour
La Cour administrative d’appel fonde sa décision sur la reconnaissance du caractère obligatoire de la consultation de la commission du titre de séjour dans la situation de l’espèce (A), ce qui la conduit à sanctionner l’omission de cette formalité par l’annulation de l’acte (B).
A. Le caractère obligatoire de la consultation
La solution de l’arrêt repose entièrement sur l’interprétation des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce texte prévoit un mécanisme de régularisation pour l’étranger qui justifie d’une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans. Dans cette hypothèse, la loi impose à l’autorité administrative, lorsqu’elle « envisage de refuser la demande d’admission exceptionnelle au séjour », de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour.
Dans le cas d’espèce, le requérant avait bien formulé une telle demande à titre subsidiaire. La cour prend donc soin de vérifier si la condition de résidence habituelle était remplie. Elle relève que l’intéressé produit « pour la période comprise entre 2012 et 2023, de nombreuses pièces justificatives ». La juridiction constate que ces éléments constituent « un faisceau d’indices suffisamment précis et concordants permettant de justifier de la résidence habituelle en France de M. A… depuis plus de dix ans à la date de l’arrêté contesté ». La condition de résidence étant établie, l’obligation de saisine de la commission était donc acquise pour le préfet, qui avait par ailleurs examiné cette demande subsidiaire.
B. La sanction de l’omission de la formalité
La cour rappelle ensuite le principe général selon lequel un vice de procédure n’entache une décision d’illégalité que « s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ». Ce faisant, elle applique la jurisprudence classique relative à la portée des vices de forme et de procédure. L’enjeu était donc de déterminer si l’absence de consultation de la commission constituait une simple irrégularité ou si elle privait le requérant d’une garantie fondamentale.
La cour tranche sans ambiguïté en faveur de la seconde option. Elle affirme que « la consultation obligatoire de la commission du titre de séjour […] constitue pour ce dernier une garantie substantielle ». Le rôle de cette commission est « d’éclairer l’autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d’un étranger ». En omettant de la saisir, le préfet a non seulement méconnu une obligation textuelle, mais il a surtout privé l’intéressé d’une étape essentielle de l’examen de sa situation personnelle. La conséquence est donc inéluctable : le requérant « a été privé d’une garantie et ainsi, l’arrêté contesté est entaché d’illégalité ».
La décision, en réaffirmant le poids des garanties procédurales, encadre de manière significative l’action de l’administration dans le traitement des demandes de séjour.
II. La portée de la solution sur l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’administration
L’arrêt illustre le contrôle rigoureux du juge administratif sur le respect des procédures (A), ce qui a pour effet de limiter la marge de manœuvre dont dispose le préfet dans sa décision finale (B).
A. Le contrôle rigoureux du juge sur le respect de la procédure
Cet arrêt témoigne du rôle central du juge administratif en tant que gardien des procédures. La cour ne se contente pas d’examiner le fond du droit mais s’attache à vérifier que l’administration a suivi pas à pas le cheminement imposé par le législateur. En l’espèce, le préfet avait bien examiné la demande de régularisation, mais sans passer par l’étape consultative requise. La décision souligne que même si l’avis de la commission n’est que consultatif et ne lie pas le préfet, sa simple omission suffit à vicier la décision.
Cette approche renforce la protection des administrés face à une décision qui a des conséquences majeures sur leur vie privée et familiale. La procédure n’est pas perçue comme un ensemble de contraintes formelles, mais comme un instrument de bonne administration et de protection des droits. En qualifiant la consultation de « garantie substantielle », la cour signifie qu’il s’agit d’une étape qui permet un examen plus complet et contradictoire du dossier, offrant à l’étranger une occasion supplémentaire de faire valoir sa situation.
B. L’encadrement de la marge de manœuvre préfectorale
Si le préfet conserve son pouvoir d’appréciation pour accorder ou refuser le titre de séjour, même après avis de la commission, cette décision vient en borner l’exercice. Le passage obligatoire devant cet organe collégial le contraint à enrichir l’instruction de son dossier. La commission, par sa composition et sa mission, apporte un éclairage différent et souvent plus humain sur la situation personnelle de l’étranger.
L’obligation de saisine force ainsi l’administration à considérer des éléments qui pourraient ne pas être prioritaires dans un examen purement administratif. Cette étape consultative, bien que non contraignante dans son avis, oblige le préfet à motiver d’autant plus précisément un éventuel refus s’il décidait d’aller à l’encontre d’un avis favorable. En définitive, cette décision a pour portée de renforcer la qualité de l’instruction des demandes d’admission exceptionnelle au séjour et de limiter l’arbitraire, en s’assurant que la décision préfectorale soit prise au terme d’une procédure complète et équitable.