La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 15 avril 2025, un arrêt relatif au droit au séjour des ascendants de citoyens français. Un ressortissant étranger, entré sur le territoire national en 2020, a sollicité la délivrance d’un titre de séjour en qualité de parent à charge. L’autorité administrative a rejeté sa demande, assortissant ce refus d’une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Le requérant a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Paris, qui a rejeté sa demande par un jugement du 28 septembre 2023. Il a alors interjeté appel devant la juridiction de second degré en invoquant notamment une erreur d’appréciation et la méconnaissance de sa vie privée. L’intéressé soutenait être à la charge de sa fille de nationalité française et soulignait la présence de ses enfants et petits-enfants sur le territoire.
Le litige porte sur l’interprétation des critères de dépendance économique et sur la conciliation entre le pouvoir de police des étrangers et le respect de la vie familiale. La juridiction devait déterminer si l’absence de visa de long séjour et l’insuffisance des preuves de soutien financier justifiaient légalement le refus de séjour.
La Cour rejette la requête en confirmant que les conditions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étaient pas remplies. Les juges considèrent que la dépendance n’est pas établie et que l’atteinte à la vie familiale n’est pas disproportionnée au regard de l’entrée récente. L’analyse portera d’abord sur la rigueur des conditions d’obtention du titre de parent à charge avant d’étudier le contrôle exercé sur l’atteinte à la vie privée.
I. La rigueur des conditions d’octroi du titre de séjour au parent à charge
A. L’exigence cumulative du visa de long séjour et de la régularité du séjour
La délivrance de la carte de résident aux ascendants de Français est strictement encadrée par les dispositions législatives du code de l’entrée et du séjour. L’article L. 423-11 prévoit la délivrance d’une carte de résident au parent à charge d’un Français. Cette mesure reste toutefois subordonnée à la « production du visa de long séjour » prévu par la loi. Cette exigence formelle constitue une condition substantielle dont le défaut permet à lui seul de fonder légalement un refus.
En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Paris relève qu’il est « constant que le requérant n’est pas titulaire du visa de long séjour exigé ». Cette carence procédurale prive l’intéressé d’un droit automatique au séjour malgré ses liens familiaux. L’autorité administrative dispose ainsi d’une compétence liée pour rejeter la demande dès lors que les conditions de forme ne sont pas satisfaites. Cette solution rappelle la primauté des règles d’entrée sur le territoire dans l’examen des droits au séjour pérenne.
B. L’appréciation souveraine de l’état de dépendance économique
Au-delà des conditions de forme, la notion de parent à charge suppose la démonstration d’un soutien financier effectif et régulier des descendants. Les juges vérifient si les ressources de l’ascendant sont insuffisantes pour subvenir seul à ses besoins essentiels. La charge de la preuve incombe au demandeur, qui doit produire des éléments matériels probants tels que des justificatifs de transferts.
Dans cette affaire, la Cour estime que les pièces produites ne permettent pas d’établir que l’intéressé était « destinataire de virements de sommes d’argent suffisamment récurrents et importants ». La seule mise à disposition d’un logement par sa fille ne suffit pas à caractériser un état de dépendance économique. Le requérant ne démontre pas son incapacité à subvenir par lui-même à ses besoins financiers personnels. Cette exigence de preuve matérielle limite les possibilités de régularisation par le seul biais de l’hébergement familial, ouvrant alors l’examen du droit au respect de la vie privée.
II. Le contrôle de la proportionnalité de l’atteinte à la vie privée et familiale
A. La prépondérance des attaches dans le pays d’origine
L’examen de la légalité du refus de séjour nécessite une mise en balance entre l’intérêt général et le droit garanti par la convention européenne. L’article 8 de cette convention protège le droit au respect de la vie privée et familiale contre les ingérences injustifiées de la puissance publique. Toutefois, l’atteinte portée n’est illégale que si elle s’avère manifestement disproportionnée par rapport aux buts migratoires poursuivis.
Les juges soulignent que le requérant n’est entré en France qu’en 2020, à l’âge de soixante-treize ans. Il a ainsi passé « la plus grande partie de sa vie dans son pays d’origine » où il conserve nécessairement des attaches. Sa présence récente sur le sol national atténue la force des liens familiaux invoqués pour s’opposer à l’éloignement. En l’absence d’une intégration particulière, l’autorité administrative n’a pas « porté au droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ».
B. L’inopérance des intérêts des tiers majeurs et des petits-enfants
La situation familiale globale de l’étranger est prise en compte, mais certains liens ne bénéficient pas d’une protection juridique renforcée. L’intérêt supérieur de l’enfant, garanti par la convention internationale, ne s’applique qu’aux décisions concernant directement des mineurs. Le requérant ne peut utilement invoquer cette protection dès lors qu’il est « père de trois enfants majeurs » et sans charge de famille.
La Cour précise que l’absence de liens particuliers démontrés avec ses petits-enfants mineurs rend le moyen inopérant dans cette situation. Les relations entre un grand-parent et ses descendants majeurs ne suffisent pas à paralyser une mesure d’éloignement. La décision confirme ainsi une jurisprudence constante limitant le bénéfice de la protection familiale aux noyaux resserrés. L’intérêt général lié à la maîtrise des flux migratoires l’emporte sur le maintien d’une présence familiale élargie sur le territoire.