La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 15 avril 2025, précise les règles de détermination de la valeur ajoutée servant de base à la fiscalité locale. Ce litige concerne la déductibilité des charges liées à des contrats de location de véhicules de transport avec chauffeur pour une durée supérieure à six mois. Une entreprise de fabrication de béton a fait l’objet d’une vérification de comptabilité entraînant des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande initiale tendant à la décharge des impositions supplémentaires réclamées par l’administration fiscale au titre de deux années. Saisi en appel, le juge du second degré a d’abord partiellement fait droit aux conclusions de la requérante avant l’annulation totale de sa première décision. Le Conseil d’État a effectivement renvoyé l’affaire devant la cour afin qu’elle statue à nouveau sur le litige opposant les services fiscaux à la société. La question posée au juge consiste à savoir quelles sommes facturées globalement constituent des prestations distinctes déductibles de la valeur ajoutée produite par l’entreprise. La juridiction administrative juge que les frais d’entretien sont accessoires au loyer alors que le personnel et le carburant forment des services distincts. L’analyse portera d’abord sur la qualification juridique des différentes composantes du prix avant d’examiner les modalités de preuve de la fraction déductible.
I. La qualification juridique des composantes du prix global
A. L’assimilation des frais d’entretien aux accessoires du loyer
L’article 1586 sexies du code général des impôts exclut la déduction des loyers afférents aux biens corporels loués pour une durée supérieure à six mois. Le juge administratif rappelle que cette qualification fiscale englobe l’ensemble des sommes versées en contrepartie d’une prestation dont l’objet principal est la mise à disposition. Les frais liés à l’entretien, aux réparations et aux pneumatiques revêtent la nature de prestations accessoires à cette mise à disposition du véhicule loué par l’entreprise. Ces éléments de facturation visent exclusivement à permettre au preneur de disposer en permanence d’un matériel en bon ordre de marche pour son activité. La cour refuse ainsi la déduction de ces charges car elles participent directement à l’usage normal du bien corporel pris en location de longue durée.
B. L’individualisation des services distincts de conduite et de carburant
La décision précise toutefois que les sommes versées pour des prestations fournies en complément de la mise à disposition n’ont pas le caractère de loyers. Les rémunérations des personnels conducteurs ainsi que leurs frais de restauration doivent être regardés comme des services distincts du simple contrat de louage de véhicule. Le carburant utilisé lors des opérations de transport constitue également une prestation séparée même en l’absence totale de facturation isolée par le prestataire de service. La juridiction affirme que ces coûts doivent être considérés comme « versés en contrepartie de prestations distinctes fournies en complément de la mise à disposition des véhicules ». La reconnaissance de cette dualité contractuelle permet d’identifier les charges dont la déduction reste autorisée pour le calcul de la base imposable de l’entreprise.
II. Les modalités de preuve de la fraction déductible
A. La charge de la preuve incombant à l’entreprise utilisatrice
Le principe de déduction des services distincts est assorti d’une exigence probatoire rigoureuse pesant intégralement sur la société sollicitant la décharge des rappels d’impôts. Il appartient effectivement au preneur d’établir par tous moyens la fraction précise du prix global correspondant aux prestations identifiées comme n’étant pas de simples accessoires. La requérante doit démontrer la réalité et le montant exact des services complémentaires pour obtenir une réduction légitime de sa cotisation sur la valeur ajoutée. La cour souligne qu’« en cas de facturation globale, il appartient au preneur d’établir la fraction du prix qui correspond à ces prestations distinctes ». Cette obligation juridique contraint l’entreprise à produire des pièces comptables ou des attestations précises émanant de ses différents fournisseurs de services de transport.
B. L’arbitrage souverain fondé sur l’ajustement des données sectorielles
La société s’appuie principalement sur les statistiques du Comité national routier pour justifier la décomposition du prix global de ses contrats de location de camions. Le juge administratif valide l’utilisation de ces données sectorielles tout en les adaptant aux spécificités réelles de l’activité de livraison du béton prêt à l’emploi. Un taux de déduction de dix pour cent est ainsi retenu pour le carburant en raison de la brièveté habituelle des trajets effectués par les bétonnières. La part totale déductible de la valeur ajoutée est finalement fixée à 41,33 % de la facturation globale des prestataires pour les deux années en litige. La décision conduit à une décharge partielle des rappels d’imposition en réformant le jugement rendu initialement par le tribunal administratif de Montreuil.